“Moi je l’aimais beaucoup Simon. Je me sentais auprès de Simon dans le réel de la pensée vivante. […] Il était toujours très sobre, très remarquable, et c’était merveilleux. Il passait son temps à travailler. Je sais que c’était quelqu’un de très honnête et vrai, pas toujours en train de chercher la gloire au bout du pinceau. Que la gloire vous retienne ou pas, ça ne vous empêche pas d’être un excellent peintre. […] C’était un bon peintre qui mériterait que l’on sorte ses tableaux de l’ombre. […] Et moi je pourrai ramener les voiles d’un souvenir, ce qu’une soirée dans cet atelier m’apportait…”
Anne de Staël, le 11 décembre 2023
“Je suis né à Nice le 10 février 1932. Mon père m’a dit que c’était la nuit où l’on immolait par le feu l’effigie en carton pâte de Sa Majesté Carnaval, final tragi-populaire des fêtes du Carnaval en liesse. J’ai un moment cherché une signification à la coïncidence de cet événement et de ma venue au monde – mais ayant constaté que j’étais plutôt sujet aux refroidissements et autres rhumes, j’ai rapidement cessé toutes spéculations en ce sens.”
— Simon de Cardaillac, le 26 juin 1988
Dès sa naissance, Simon de Cardaillac a baigné dans le monde de l’art. Sa mère, Jeanne de Cardaillac, était élève aux Arts décoratifs de Nice avec Jeannine Guillou, sa grande amie, alors mariée à Nicolas de Staël. C’est Jeanne de Cardaillac qui, en 1940 alors que Jeannine Guillou est en danger du fait de sa citoyenneté polonaise résultant de son précédent mariage avec Olek Teslar, porte à Vichy une requête de Jeannine demandant sa réinscription dans les registres de l’État français. Véritable amie de confiance de cette dernière, elle fait partie des rares personnes présentes lors du baptême d’Anne, la fille de Nicolas de Staël et de Jeannine Guillou.
“Seul le noyau des amis d’enfance assiste au baptême, célébré par l’abbé Krebs. Il y a là Jeanne de Cardaillac, la marraine, et son fils Simon.”
Laurent Greilsamer, Le Prince foudroyé, la vie de Nicolas de Staël, Fayard, 1998, p.97
Les relations étroites entre les deux familles offrent à Simon de Cardaillac l’opportunité de grandir au contact de Nicolas de Staël et de sa famille, façonnant durablement son œil d’artiste.
Ces longues heures passées chez les Staël eurent quelques incidences sur l’oeuvre de Nicolas de Staël – en témoigne l’existence des deux rares portraits de Jeannine Guillou au fichu jaune. En effet, alors que Jeanne de Cardaillac assistait à l’élaboration du premier des célèbres portraits de Jeannine Guillou peint entre 1941 et 1942 par Nicolas de Staël, celle-ci demanda au peintre de stopper son travail :
“Ne touchez plus à ce tableau, Nicolas ! Par pitié, il est parfait. Tout Jeannine est là, s’exclame Jeanne de Cardaillac lors d’une visite impromptue.
- Jeanne ! je commence tout juste…
- Si vous donnez un autre coup, vous démolissez tout !”
Staël rit. Voilà que le destin s’interpose avant même qu’il aille au bout de ses forces. Jeanne, je vous l’offre. Il est pour vous…”
Laurent Greilsamer, Le Prince foudroyé, la vie de Nicolas de Staël, Fayard, 1998, p.99
Le tableau rejoignit ainsi le domicile familial des Cardaillac qui vécut sous le regard de Jeannine Guillou pendant de nombreuses années. Quant à Nicolas de Staël, il peignit un second portrait.
Durant son enfance, Simon de Cardaillac est particulièrement proche d’Antoine Tudal, dit Antek, le fils que Jeannine Guillou a eu avec Olek Teslar. N’ayant qu’un an de différence, ils grandissent ensemble et vivent même à plusieurs reprises sous le même toit. Antoine Tudal passe notamment le terrible hiver 1946, celui qui emporta sa mère, chez les Cardaillac à Saint-Gervais[1]. Les vies des deux garçons sont particulièrement liées jusqu’à l’âge adulte. Pour l’anecdote, ils ont tous les deux été initiés à la nage par Nicolas de Staël qui les propulsa du haut du rocher de Roba Capeo de Nice. Comme nous l’apprend Anne de Staël, son père lui fit vivre la même expérience, ce qui la terrifia, bien que sa mère l’attendait dans l’eau pour la réceptionner[2].
[1] Laurent Greilsamer, Le Prince foudroyé, la vie de Nicolas de Staël, Fayard, 1998, p.156
[2] Entretien avec Anne de Staël, le 11 décembre 2023
“A Nice, Staël avait conduit Antek et son ami Simon de Cardaillac au rocher de Roba Capeo qui surplombe la mer. Il s’était déshabillé, avait demandé aux gamins d’en faire autant, et avait projeté Antek dans les flots. Simon, qui s’était refusé à se dévêtir, reculait quand Staël l’avait saisi et jeté à son tour à la mer. Minuscule bouchon, Antek avait nagé à la façon des chiots ; Simon, lui, commençait à boire la tasse et à couler. Staël avait alors plongé au secours des deux marmots, les poussant vers le rivage et concluant : “Vous voyez, vous savez nager maintenant !”
Laurent Greilsamer, Le Prince foudroyé, la vie de Nicolas de Staël, Fayard, 1998, p.129
A l’âge adulte, c’est en grande partie grâce à Antoine Tudal que Simon de Cardaillac s’installe à Paris après des études aux Arts décoratifs de Nice, en section architecture.
“Je “monte” à Paris invité par un ami écrivain [Antoine Tudal] qui percevait qu’il fallait que je fasse de la peinture. Mon existence bascule, recommence […] Ici commence la Peinture.”
Simon de Cardaillac, note manuscrite du 26/06/1988
A Paris, Simon enchaîne les visites de musées, galeries et les rencontres. Antoine lui présente notamment Georges Braque. Débute alors une longue série de visites dont témoignent un certain nombre de photographies.
“Georges Braque, par l’intermédiaire d’un ami, voit mon travail et m’encourage. Fréquentes visites chez le (Vieux) Maître, toujours bien accueilli, ce sont des moments fantastiques et inoubliables pour un jeune peintre.”
Simon de Cardaillac, note manuscrite du 26/06/1988
C’est notamment Georges Braque qui pousse Simon de Cardaillac à exposer[3] en 1956 au 11e Salon des Réalités Nouvelles qui se tenait au Beaux-Arts de Paris (du 29 juin au 5 août 1956), aux côtés d’artistes de renom tels que Pierre Alechinsky, Jean Arp, Sonia Delaunay ou Hans Hartung. Il nouera par la suite une amitié avec Alechinsky et Hartung.
Au cours de ces visites chez Braque, Simon entame une profonde amitié avec Mariette Lachaud, l’assistante de Georges Braque, auteur et férue de photographie.
[3] Chris Evers Gallery, Hus for Nutidskunst, Klampenborg, 07/1988 et Simon de Cardaillac, note manuscrite du 26/06/1988
A cette époque, Antoine Tudal a déjà publié plusieurs écrits dont Souspente (1945), un recueil de poèmes rédigé à seulement 12 ans alors qu’il est puni et contraint par ses parents de rester dans une mansarde durant six mois. Très bien accueillis, ses poèmes furent illustrés par Georges Braque. Cet événement encouragea Antoine Tudal à continuer d’écrire. Il proposa à Simon de Cardaillac de réaliser les gravures d’un recueil intitulé Simagrées.
“A vingt-trois ans, il [Antoine Tudal] se décide à apporter à un éditeur un manuscrit que voici, Tempo, puis un autre, Simagrées, qui paraîtra prochainement avec des eaux-fortes d’un peintre qui a le même âge que lui, Simon de Cardaillac.”
Antoine Tudal, Tempo, Librairie Gallimard, 1955, p.3
A cette occasion, Simon montre ses peintures à de Staël qui l’encourage alors à les graver.
“Il [Nicolas de Staël] se rend à Sèvres pour voir Antoine Tudal et Simon de Cardaillac. Simon commence à peindre. Il regarde ses lavis noir, blanc et gris, ses essais de bande dessinée, et l’encourage : “Quoi qu’on fasse, il faut le faire bien.”
Laurent Greilsamer, Le Prince foudroyé, la vie de Nicolas de Staël, Fayard, 1998, p.263
Confiant dans l’entreprise de Simon, de Staël le recommande à Johnny Friedlaender qui a ouvert, en 1949, un atelier de gravure fréquenté par les plus grands artistes de l’Ecole de Paris, dont Maria Helena Vieira da Silva et Zao Wou-Ki.
“Je travaille sur un projet d’illustration d’un texte poétique, Nicolas de Staël m’encourage à les réaliser en gravure et me recommande pour que j’aille travailler dans l’atelier de Johnny Friedlaender. Je m’initie à la gravure sur cuivre.”
Simon de Cardaillac, note manuscrite du 26/06/1988
“Je participe en 1956 au Salon “Comparaisons” et au Salon des “Réalités Nouvelles”. Puis vient la guerre d’Algérie, je suis rappelé dans l’armée – lumières et expériences humaines différentes – pas de place pour la peinture sous le soleil et dans la poussière blanche. De retour à Paris, il faut se guérir des cauchemars mais je recommence vite à peindre. Un collectionneur belge s’intéresse à ma peinture. Un peu d’argent pour travailler. Des collectionneurs américains arrivent ensuite. Tout va bien. Je vis de ma peinture.”
Simon de Cardaillac, note manuscrite du 26/06/1988
Après avoir été enrôlé dans l’armée au moment de la guerre d’Algérie, Simon de Cardaillac entame une période de création intense et commence à faire parler de lui. A cette époque, les galeristes et collectionneurs américains jouent un rôle déterminant sur le marché de l’art. Plusieurs d’entre eux sont séduits par le travail de Simon de Cardaillac. L’un des premiers à repérer son talent est le célèbre photographe Irving Penn. En 1966, il lui demande de lui envoyer un échantillon représentatif de ses œuvres afin de les montrer au peintre expressionniste abstrait, Sidney Gross, professeur de peinture à l’Art Student’s League of New York depuis 1960, “très connu à N.Y. et [qui] a une excellente réputation”. Sidney Gross, intéressé par la production de Simon de Cardaillac, choisit de se rendre en personne dans les galeries susceptibles de présenter ses œuvres.
“Il crois qu’il y aurai peut-être cinq ou six galleries qui pourrait s’intéresser a votre travail, […] il a dit qu’il s’interessait a votre travail assez pour aller les montrer lui-/même.”*
Retranscription non corrigée d’une lettre en français d’Irving Penn du 28 mars 1966
Par ailleurs, un courrier d’Irving Penn du 13 juin 1966 nous apprend que Peter Findlay de Findlay Galleries était également intéressé par le travail de Simon de Cardaillac.
“Please contact Peter Findlay of Findlay galleries interested in your paintings at hotel de la Tremoille Paris greetings Penn”
Télégramme d’Irving Penn, le 13-6-66
La galerie exposait alors des artistes de notoriété internationale comme Fernand Léger, Edward Hopper, Le Phô, Bernard Buffet, Frank Stella ou Roberto Matta.
Dans un télégramme du 25 juin 1966, Irving Penn fait cette fois-ci référence à une galerie de Palm Springs projetant d’exposer Simon de Cardaillac :
“Ses personnes qui doivent venir pour sélectionner des peintures pour leur galerie de Palm Springs (californie) s’appellent M et Mme Linsk – Kristofer vous téléphonera s’ils arrivent en mon ‘inconscience’”
Retranscription non corrigée d’une lettre en français d’Irving Penn du 25 juin 1966
En outre, on retrouve à la même époque des œuvres de Simon de Cardaillac dans de grandes collections américaines, telles que celle de Helena Rubinstein. Cette dernière possédait en effet un tableau de 1960 intitulé Le plan de soleils, représentant une “Abstraction in tones of gray, green and white”[1]. Simon de Cardaillac a très probablement connu Helena Rubinstein, car il conservait dans ses archives personnelles une photo de 1960 figurant Georges Braque, Marcelle Lapré et Helena Rubinstein dans le studio de Braque. Cette photo complète d’ailleurs une série de photos de même format que l’on retrouve dans la collection de Helena Rubinstein.
On sait également qu’une peinture de Simon de Cardaillac se trouvait dans la collection du présentateur et animateur de télévision Richard S. Starck, comme en atteste une exposition organisée en 1961 dans son appartement new-yorkais et visitée notamment par Hertha Wegner, conservateur des peintures et sculptures du Brooklyn Museum[2].
Il faut croire que Simon de Cardaillac commençait réellement à se faire connaître dans le milieu mondain new-yorkais de l’époque, puisque le comédien Charles Bronson acquit aussi l’un de ses tableaux[3]. On peut également apercevoir un de ses tableaux dans l’appartement new-yorkais du couple Cowles, sur une photographie publiée dans le volume 124 de la revue House&Garden en 1963.
[1] The collection of Helena Rubinstein, New York, Paris and London, Parke-Bernet Galleries, New York, 1966
[2] Cornell Alumni News, 15 mai 1961, vol.63, n°16, p.580
[3] Entretien avec Jeannine de Cardaillac, fille de Simon de Cardaillac, novembre 2023
Toutefois, malgré des débuts prometteurs sur le marché américain, Simon de Cardaillac décida au cours des années 1960 de prendre un nouveau départ artistique et de cesser progressivement ses collaborations.
“J’ai l’impression d’être prisonnier de quelque chose qui m’empêche de travailler comme je le désirerais. Je décide alors de rompre mes engagements avec les uns et les autres et de repartir à zéro. Je cherche du travail.”
Simon de Cardaillac, note manuscrite du 26/06/1988
En 1966 et alors que les galeries et collectionneurs américains commençaient à s’interesser à sa peinture, Simon de Cardaillac, après deux ans de pause, décide de retourner travailler avec Hans Hartung. Entre 1961 et 1964, Simon avait en effet déjà été l’assistant de Hans Hartung. Il l’avait certainement rencontré lors du 11ème Salon des Réalités Nouvelles de 1956[1], sur lequel ils exposaient tous les deux. Entre 1961 et 1964, puis de 1966 à 1970, Simon de Cardaillac assiste donc Hartung dans la réalisation de ses oeuvres[2]. Tout laisse penser qu’il fut également l’assistant d’Anna-Eva Bergman. Comme nous le rappelle l’expert de Hans Hartung et d’Anna-Eva Bergman, Hervé Coste de Champeron, “dans de nombreux documents ou interviews, les assistants des différentes périodes parlent surtout de leur collaboration avec Hans Hartung car ils étaient uniquement questionnés sur ce point mais ils assistaient aussi Anna-Eva Bergman qui avait une production plus réduite mais pas moins exigeante techniquement.[3]”
[1] 11e Salon des Réalités Nouvelles Nouvelles Réalités, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, du 29 juin au 5 août 1956.
[2] Rainer Michael Mason, Hans Hartung, Catalogue raisonné des estampes, p.531
[3] Courriel du 18/12/2023
Ayant été formé à l’architecture aux Arts Décoratifs de Nice, Simon de Cardaillac aide notamment Hans Hartung à réaliser les plans de la construction du Champ des Oliviers (la maison atelier de Hans Hartung et d’Anna-Eva Bergman)[1]. A la fin de cette collaboration, en 1971, il reste en bon contact avec Hartung et Bergman – en témoignent un certain nombre d’archives dont de nombreuses lettres, cartes de vœux et invitations, donnant l’occasion à Hans Hartung et Anna-Eva Bergman de reformuler leur amitié pour Simon de Cardaillac. En 1977, alors qu’il ne travaillait plus pour eux depuis six ans, il intervint à nouveau dans la conception du portfolio La Foudre pilote l’Univers, composé de trois zincographies, en fournissant, à l’occasion, à Hartung son exemplaire de Héraclite d’Ephèse[2].
[1] Archives de la fondation Hans Hartung et Anna-Eva Bergman, courrier envoyé à Simon de Cardaillac le 23/10/2014
[2] Rainer Michael Mason, Hans Hartung, Catalogue raisonné des estampes, p.531
Outre les archives précédemment évoquées, nous conservons plusieurs documents attestant de la relation Cardaillac-Hartung-Bergman, dont plusieurs photos de Simon de Cardaillac dans leur atelier (archives Fondation Hartung Bergman). En témoignage de gratitude et signe d’amitié, Hans Hartung et Anna-Eva Bergman ont offert plusieurs œuvres à Simon de Cardaillac. Sur une photo de son atelier, on peut ainsi voir au mur une œuvre de Hans Hartung. Encore plus symbolique, Anna-Eva Bergman offrit à Simon de Cardaillac, au Noël 1963, le tableau N°56-1962 Petite image en carrés d’argent[3], dont la famille a confié la vente à Vichy Enchères.
[3] Archives de la fondation Hans Hartung et Anna-Eva Bergman
Malgré sa grande proximité avec le couple Hartung-Bergman, Simon de Cardaillac ne chercha jamais à se servir de cette relation ou de ses contacts pour se faire connaître et cette attitude le suivit toute sa vie.
“La pudeur de chacun et la discrétion de nos relations me laissent très libre dans mon propre travail. Il faut savoir ne pas mélanger les genres.”
Simultanément à son travail avec Hans Hartung et Anna-Eva Bergman, Simon de Cardaillac a le temps de se consacrer à sa peinture dans un grand atelier à Sèvres, situé au-dessus de chez Antoine Tudal. Il reçoit de nombreuses visites, dont celles d’Anne de Staël, fille unique de Nicolas de Staël et de Jeannine Guillou, avec laquelle il est très ami.
“On se retrouvait dans le grand atelier où vivaient Simon, Nicole et leurs enfants. C’était un grand atelier de peintures qui était absolument magnifique. Parfois, je venais le soir, ils m’offraient de dîner avec eux. Tout en dînant, Simon retournait très vite à ses tableaux. On parlait peinture, de la vie, il était très cultivé, extrêmement cultivé. Nos sujets de conversation étaient infinis, toujours très intelligents.
Son atelier était éminemment chaleureux : il était idéalement chaleureux. Plein d’âme. Il avait de grands volumes, remplis de tableaux commencés, pas finis.
Simon ne ressemblait pas du tout à mon frère Antek. Il apportait autre chose. C’était quelqu’un de très subtil et passionnant. Je m’entendais bien avec sa pensée. C’était son souci sa peinture. Mais on ne parlait pas seulement de peinture. On parlait de tout. C’était un esprit très cultivé. Ce qui me touchait, c’est qu’il pouvait lire des livres qui me passionnaient… Nous aimions particulièrement la philosophie, Nietzsche, la poésie.
Entretien avec Anne de Staël, le 11 décembre 2023
A cette époque, Simon de Cardaillac et Anne de Staël s’écrivaient souvent. Nous conservons des lettres d’Anne teintées de poésie, qui laissent transparaître son admiration pour Simon.
“ Pour moi l’autre jour c’était une joie d’être venue te voir, de voir que tu étais toujours “le même”. Cette fidélité à laquelle nous tenons tellement est le plus rare quand elle vous est donnée – c’est celle envers soi. […] J’ai vu Antek qui avance avec l’image figée sur son visage de l’enfant prodige un peu jaunie et la peur de vieillir ! Parce que, lui, c’est l’inverse, il est celui qu’on regarde.
Alors que toi tu es celui qui regarde. L’observateur, qui sait élever une conversation enjouée avec le silence des choses et les choses le lui rendent bien à travers les êtres! Est-ce que quelque chose est donné par le silence des couleurs, au peintre !? Je veux dire que celui qui regarde fait très attention d’avancer ni plus vite ni plus lentement et par là il ne vieillit pas, le temps lui réserve son jour frais ! ”
Lettre d’Anne de Staël à Simon de Cardaillac, 13/02/1997
En 1971, Myriam Prévot, directrice de la Galerie de France, propose à Simon de Cardaillac de travailler pour elle. Commence dès lors une collaboration intéressante pour Simon qui conçoit ce nouveau poste comme un “terrain d’observation” du “monde du marché de l’art” et une opportunité pour le temps qu’il lui libère pour se consacrer à sa peinture.
Entre 1971 et 1978, il participe pleinement à l’organisation d’un grand nombre d’expositions d’artistes emblématiques de son temps, tels que Pierre Alechinsky (1971, 1973, 1977, 1978), Anna-Eva Bergman (1977), Christian Dotremont (1971, 1975, 1978), Hans Hartung (1971, 1974, 1977, 1979), Alfred Manessier (1975, 1978), Pierre Soulages (1972, 1974, 1977) ou Zao Wou-Ki (1972, 1975).
Plusieurs archives conservées par la famille viennent témoigner de cette activité, dont des lettres renseignant sur l’organisation des expositions, à l’instar de celle d’Alfred Manessier du 29 avril 1978 “Mon cher Simon, j’ai téléphoné […] au sujet des panneaux “toile grise” et “blanc” peut-être pourrait-on rythmer : les lithos livres sur toile grise et tout ce qui est livre […] De toute façon je pars demain et ne puis vous en dire davantage ; vous faites donc au mieux si on ne peut avoir tout d’une seule couleur et matière. Je vous fais du reste entièrement confiance à ce sujet. Bien amicalement, Manessier”
Le 17 octobre 1978, c’est Christian Dotremont qui écrit à Simon de Cardaillac :
“ Et quant à ma proche exposition, je n’ai pas été certain avant aujourd’hui des œuvres que j’allais montrer ; hier encore, j’ai travaillé pour cette exposition, écrit-peint des logogrammes.
Pierre Alechinsky m’a dit quelles étaient les dimensions des vitres dont vous disposez. J’avais déjà tracé un diptyque plus grand. Mon choix des logogrammes à exposer, mon choix définitif, tout récent, comprend ce diptyque. ”Christian Dotremont, lettre à Simon de Cardaillac, le 17 octobre 1978
Alfred Manessier, Christian Dotremont et Pierre Alechinsky avaient en effet exposé la même année 1978 à la Galerie de France. Simon de Cardaillac est devenu ami avec certains de ces artistes, dont Alechinsky. Il fut invité à plusieurs de ses vernissages et notamment à son exposition à la FIAC, au stand Maeght Lelong, à l’occasion de son anniversaire.
Il resta plusieurs années en contact avec Alechinsky qui lui envoya régulièrement des cartes et lui dédicaça notamment son exemplaire Maint Corps des Chambres par cette mystérieuse annotation : “pour Simon / qui sauve les petites barques / perdues dans l’encre de chine / son ami / Pierre / le 4 décembre 1982”.
Pierre Alechinsky lui offrit également une encre réalisée en 1976 intitulée Bon Moment.
Outre les expositions précédemment évoquées dans la partie sur les collectionneurs américains, Simon de Cardaillac fut exposé à plusieurs reprises au cours de sa carrière. Après les expositions de 1956 aux Salons Comparaisons et Réalités Nouvelles, sa peinture est présentée lors d’une exposition personnelle tenue au Centre International J.-A. Maydieu de Paris du 20 février au 13 mars 1971. Par la suite, il participe notamment à l’exposition Abstraction Vivante, organisée par Gilles Plazy à la Galerie de l’Esplanade de La Défense, de décembre 1976 à janvier 1977. L’année suivante, il expose à la Biennale de Mantoue. En 1980, il est invité à exposer aux côtés de Pierre Alechinsky, Karel Appel ou encore Asger Jorn à l’abbaye Saint-Savin sur Gartempe, pour l’exposition Boomerang. En 1980, il fait également partie des trois artistes exposant au Centre National des Arts Graphiques de Paris sur le plateau Beaubourg, avec Jean Clerté et Daniel Humair.
En 1981, il expose sur le thème de la “Musique et Peinture” accompagné par Jean-Pierre Rampal à la flûte et Robert Veyron-Lacroix au clavecin, pour les Amis de la Musique de Rueil-Malmaison. En 1984, il participe à une exposition de groupe autour de la pièce de théâtre de Claude Confortès, Les Argileux, à la galerie Esquisse dans le 6eme arrondissement de Paris. Enfin, sa dernière exposition personnelle connue fut organisée au Danemark, près de Copenhague, en 1988, à l’occasion de l’année culturelle franco-danoise. Elle eut lieu à Klampenborg dans la galerie Chris Evers et également en France, dans la galerie de Jean Perret, Style Marque, à Paris. Le thème de cette exposition était “Un peintre, une marque” et était sponsorisé par le groupe danois Carlsberg, donnant lieu à une série d’œuvres autour de la marque Carlsberg, comme nous l’aborderons dans cette seconde partie consacrée à l’œuvre de Simon de Cardaillac.
« Tu vois, je quittais ton nouvel atelier en me disant : qu’est ce qu’il a cet atelier qui n’a pas changé ? Tout y est différent et pourtant tout y est même ! Ephémère, précarité, pérennité ! »
— Entretien avec Anne de Staël, le 11 décembre 2023
Simon de Cardaillac était très sensible à la littérature et à la philosophie. Il s’intéressait particulièrement à Nietzsche et cette familiarité avec la pensée du philosophe allemand permet de mieux cerner son œuvre. Ce dernier percevait l’art comme un antidote au nihilisme, à la conviction que la vie est dépourvue de sens et de valeur. Selon Nietzsche, l’art était alors un moyen de donner un sens à la vie, même en l’absence de vérités absolues. Et, pour Simon de Cardaillac, l’art était véritablement essentiel à la vie, à l’existence, comme il put l’écrire à plusieurs reprises :
“Ces événements de la vie, les choses, les brisures, ce dont on ne parle pas, ne m’ont jamais distrait de la peinture. Je pense qu’ils en font partie. Pour moi, peindre est avant tout un choix d’existence.”
Simon de Cardaillac, le 26 juin 1988
Ces quelques phrases s’inscrivent pleinement dans la pensée de Nietzsche sur l’art, un art compris comme le moyen d’affirmer la vie face aux souffrances et aux absurdités de l’existence – un art capable de la célébrer.
“C’est un luxe qu’aujourd’hui nous puissions mettre quelque chose dans un tableau, dans un mot, non que cela concerne quelqu’un ou quelque chose, mais cela concerne “être”. Je me rappelle cette phrase inquiète de Simon : “Pour qui” “Pour quoi”, surtout pour personne et pour rien, pour être”.
Lettre d’Anne de Staël à Simon de Cardaillac
Tout au long de sa vie, Simon de Cardaillac aura eu pour “grand stimulant”[2] l’art, et celui-ci le poussa toujours à agir et à créer.
“Tout en dînant, Simon retournait très vite à ses tableaux. […] C’était quelqu’un de très vivant, très vrai, et ça c’est formidable, ça m’apportait beaucoup, l’idée du travail, du sérieux.”
Entretien avec Anne de Staël, le 11 décembre 2023
[2] F.W. Nietzsche, 1976, §24 :94
“Simon aimait beaucoup mon père [Nicolas de Staël] et je n’ai jamais eu le sentiment qu’il le copiait. Il se cherchait vraiment dans son expression personnelle. Son travail n’était pas de copier des peintres mais plutôt un beau travail personnel qui se cherche en toutes vérités.”
— Entretien avec Anne de Staël, le 11 décembre 2023
Les premières peintures de Simon de Cardaillac présentées à Vichy Enchères laissent percevoir la familiarité de ce dernier avec Nicolas de Staël, auprès de qui il a grandi, et dont l’œuvre modela sa sensibilité. Toutefois, cette influence s’estompa relativement vite, Simon semblant davantage préoccupé par la question du medium et de l’imagerie de la culture de masse. Il participa ainsi, dès 1956, au Salon des Réalités Nouvelles. Les artistes de ce mouvement considéraient l’art abstrait comme un moyen de représenter des “réalités nouvelles”, c’est-à-dire des réalités non perceptibles d’ordre conceptuel ou spirituel.
A l’image du travail de Simon de Cardaillac, ce mouvement artistique s’attachait à refléter cette nouvelle réalité façonnée par la société urbaine de consommation. Dans la lignée des ready-made de Marcel Duchamp, la réalité était alors remise au centre de la création, notamment par l’utilisation d’objets du quotidien passés au rang d’objets d’art.
L’œuvre de Simon de Cardaillac s’inscrit formellement dans ce mouvement artistique, puisque l’artiste utilisa – ou “recycla” – tout au long de sa carrière des objets issus du monde urbain, industriel ou publicitaire. Son travail reposait ainsi particulièrement sur une réflexion approfondie concernant la pratique picturale et les possibilités offertes par le médium.
Tout au long de sa vie, Simon de Cardaillac a ainsi travaillé à partir de matériaux pauvres ou bruts, souvent trouvés ou recyclés, s’inscrivant dans une veine similaire à celle de l’arte povera. Les matériaux étaient souvent choisis pour leur apparence brute et pour leur capacité à évoquer des aspects primitifs ou essentiels de l’existence humaine.
A partir de collages ou d’assemblages, il juxtaposait alors ces différents matériaux pour créer des contrastes visuels et tactiles, explorant notamment les thèmes liés à la reproduction industrielle et à la société de consommation. Réalisées à partir de matériaux modestes, les œuvres de l’artiste créaient alors un dialogue entre l’art et le monde moderne, cherchant à démystifier l’acte créatif et à réduire l’art à ses éléments fondamentaux. Simon expérimentait avec la couleur, la texture et la surface, souvent en utilisant des méthodes simples et directes comme le collage, l’assemblage, la photographie ou la gravure. Toute sa vie, il rejeta l’idée d’un art devenu objet de luxe ou de marchandisation, privilégiant des approches plus démocratiques et accessibles, et allant jusqu’à refuser de vendre ses œuvres et de collaborer avec des marchands. Lorsque l’écrivain et critique d’art Charles Juliet s’intéressa à son travail et demanda à l’interviewer pour écrire sa biographie, Simon de Cardaillac refusa.
Cette réflexion autour du médium et de l’imagerie de la culture de masse le conduisit à réaliser une série autour du logo publicitaire de la marque Carlsberg. Une exposition fut organisée près de Copenhague en 1988 dans la galerie Chris Evers, et également en France, à Paris, dans la galerie de Jean Perret Style Marque. Toutes les œuvres réalisées avaient alors “pour motifs des bouteilles, des étiquettes ou des caisses de bière.”[1]
[1] Kjeld B. Nilsson, retrouver article danois La bière, c’est la bière, mais aussi la culture franco-danoise
“Certaines marques sont devenues tellement importantes dans notre musée imaginaire qu’elles sont des points de repère pour le voyageur qui dans toutes les grandes villes du monde retrouve leur graphisme présent et fluorescent. […] Carlsberg en est l’exemple type. […] Rouge et blanc est le rapport le plus fort en signalétique. Style Marque […] a eu envie de rendre hommage à cette signature en s’associant à Simon de Cardaillac dans une vision poétique et picturale de la marque. Le peintre dépassant les contraintes du graphisme a utilisé la marque et différents éléments de son environnement comme une palette de formes et de couleurs. C’est un angle de vue insolite mais enrichissant pour l’imaginaire de la marque, qui démontre la force de cette signature qui, sortant du cadre strict des normes, trouve une nouvelle puissance d’évocation sans rien perdre de sa personnalité.”
Jean Perret, directeur de Style Marque, 1988
Cet évènement fut un succès, comme le confirme cette lettre de Chris Evers : “people have shown a lot of interest in your paintings. I have actually sold all the oil-paintings that I bought from you in Paris.”[1] Toutefois, une partie des œuvres que Simon de Cardaillac avait exposées au Danemark ne lui fut pas restituée et celui-ci commença à rencontrer des difficultés, ne pouvant rien présenter lors de la FIAC.
[1] Chris Evers House of Contemporary Art, lettre de 1988
Cette question du médium est étroitement liée à celle de la signalétique, une autre thématique prédominante dans l’œuvre de Simon de Cardaillac. La signalétique, qui englobe les panneaux de signalisation, les symboles graphiques, les logos et d’autres formes de communication visuelle standardisée, fut une source d’inspiration inépuisable pour l’artiste qui intégra régulièrement des éléments issus de cette imagerie dans ses créations. En sortant ces éléments familiers et en les plaçant dans des contextes nouveaux et surprenants, il s’amusait alors à créer des dialogues entre les différents modes de communication visuelle et les significations culturelles portées par ces signes. Par ce processus, Simon de Cardaillac nous invite à porter un nouveau regard sur notre environnement et à nous interroger sur nos modes de vie, souvent contraints par des comportements mécaniques répondant à des codes intégrés dès le plus jeune âge.
Cette nouvelle vision du monde urbain, à la fois poétique et cynique, soulève notamment la question de la liberté, comme il l’évoque dans ce texte poétique :
“Mais revenons à notre quotidien – ici pays moins au nord mais aussi pays de pluie qui nous fait courber la tête de manière attavique et ancestrale comme des chiens – et regardons se déplacer nos pieds sur l’asphalte mouillé et noir. […]
Nous lisons rapide, liaison rapide, directe du signal, regard à la compréhension du message donné – barrière rouge, stop, danger, flèches impératives de direction. Même si votre raison veut aller ailleurs, vous obéissez au sens de la flèche plus vite que votre raison désobéissante.
Le signe est là et… son signal.
Nul n’y échappe. Il est notre réalité, notre quotidien. […]
L’esthétique de notre environnement devient notre musée permanent.
L’œil commence-t’il à fonctionner mieux ? Rentrons-nous dans l’ère du regard ?
Le feu passe au rouge – Stop –
S’il fallait lire “arrêtez-vous tout de suite ! Instantanément appuyez votre pied sur la pédale frein” : accident… mais, non. Le signal rouge, d’un bref clin d’œil a tout déclenché – réflexe direct – pas de lecture.”Simon de Cardaillac, texte rédigé en avril 1988
Simon de Cardaillac intégrait ainsi la signalétique dans ses œuvres afin d’explorer l’esthétique de l’environnement urbain moderne et de jouer avec ses codes visuels, défiant les attentes du spectateur et brouillant les frontières entre l’art et la vie quotidienne. L’usage de la signalétique découlait également de son intérêt pour l’art pauvre et lui permettait de créer des œuvres visuellement percutantes aux couleurs franches.
Outre ces éléments de signalétique urbaine, Simon de Cardaillac ajoutait régulièrement dans ses compositions des caractères numériques et typographiques. Il était particulièrement intéressé par la force symbolique des nombres et rassemblait dans son atelier un tas d’objets figurant des nombres, tels que des pages de calendrier, des cartes de jeux, des points de fidélité de stations services, des pochoirs ou encore des tampons de chiffres. Il s’en servait pour faire des collages ou pour tamponner ses œuvres de chiffres. Cette fascination pour les nombres s’incarne aussi dans une série de cartes de vœux, réalisées à partir de techniques mixtes et gravées, qu’il adressait à ses proches, à l’instar d’Anne de Staël qui en fit le commentaire en 1997 :
“Mon cher Simon, que c’était gentil ce 1997 dans son ocre jaune soleil, cet terre et le grand 7 comme une fenêtre ouverte sur le passage des nuages de l’ocre et sur l’année ! Tous les chiffres seuls jusqu’à 9 me fascinent, mais dès qu’il y en a plusieurs, le multiplié ralentit l’émotion d’un beau chiffre seul. Ce doit être qu’un chiffre retient “qu’un jour, un jour on est venu au monde” et contient toute l’horlogerie du monde dans lequel nous nous perdons !!/”
Lettre d’Anne de Staël à Simon de Cardaillac, 1997, archives familiales
Simon de Cardaillac découpait également des pages de journaux pour ses collages ou pour en extraire certaines lettres. L’usage des caractères dans ses œuvres lui servait à explorer les possibilités expressives du langage écrit et des symboles numériques. En incorporant ces signes, parfois des phrases entières, Simon ajoutait différents niveaux de lecture et de sens à ses créations, et proposait une interaction dynamique entre le visuel et le verbal. En déconstruisant les mots et les nombres, en les isolant, en les fragmentant ou en les combinant de manière non conventionnelle, il examinait alors leur structure, leur signification et leur sonorité. Enfin, il les utilisait pour créer des motifs visuels intéressants et pour ajouter une dimension tactile au support.
Par ailleurs, cette fascination pour les caractères et symboles fut également à l’origine de séries de peintures, à l’encre ou à l’acrylique, réalisées et gravées dès les années 1980. Celles-ci, et plus particulièrement les séries en noir, sont une évocation des calligraphies asiatiques qui fascinaient l’artiste :
“Calligraphie chinoise ou japonaise – Idéogrammes millénaires – Hiéroglyphes tactiles – Sensualité du Regard – Silences chargés de subjectivités, libertés dans le code mais, hors du code – Le regard illustré et non pas le regard commenté et lu.”
Simon de Cardaillac, texte rédigé en avril 1988
Peut-être aurions-nous dû commencer par la photographie pour commenter l’œuvre de Simon de Cardaillac. Elle semble, en effet, servir de point de départ à la conception d’un bon nombre de ses œuvres. Nous conservons en effet plusieurs séries de photographies réalisées par l’artiste qui révèlent son intérêt pour les signes, la signalétique urbaine et l’architecture. Ces photos ont la particularité d’être toujours très zoomées afin d’isoler un élément en particulier. Ainsi, lorsqu’il photographie Paris, aucun élément n’identifie en réalité la capitale et il pourrait s’agir de n’importe quelle autre ville. Ces photos figurent essentiellement des murs ou des supports de peintures industrielles et/ou d’affiches publicitaires décollées ou arrachées.
Elles présentent également des façades taguées, des nombres sur des vitrines, des passages piétons, des bandes de marquages rouges et blanches, des flèches de signalisation, des éléments architecturaux recouverts de couleurs criardes, – ou juste l’asphalte… Ces photos, que ce soit par leur composition, motifs et couleurs franches, pourraient être confondues avec les assemblages de ses peintures de Simon de Cardaillac.
Toutes fournissent des motifs, des textures, des jeux de lumière et de compositions qui peuvent être interprétés de manière abstraite, et il est évident que ces images sont à la source d’un grand nombre de ses compositions picturales.
Simon de Cardaillac peignait de façon sensible et intuitive. La spontanéité de son geste, renforcée par des couleurs vives, des formes fluides et des compositions dynamiques, affirme sa singularité.
De manière générale, on observe que les œuvres de Simon de Cardaillac sont souvent caractérisées par des couleurs tranchées et contrastées, ainsi que par des formes organiques et fluides, qui laissent transparaître la relation que le peintre entretenait avec la poésie. Une partie de son œuvre est, de ce fait, proche de l’abstraction lyrique, ce qui n’a rien d’étonnant compte tenu des liens qui unirent Simon de Cardaillac et Hans Hartung toute leur vie durant.
Ne manquez pas l’exposition autour de la redécouverte de Simon de Cardaillac organisée par Vichy Enchères le 19 juin 2025 et qui donnera lieu à la vente de son fonds d’atelier.
“I loved Simon very much. I felt with Simon in the reality of living thought. […] He was always very sober, very remarkable, and that was wonderful. He spent all his time working. I know he was a very honest and true person, not always looking for glory at the end of his brush. Whether or not fame holds you back, it doesn’t stop you from being an excellent painter. […] He was a good painter who deserved to have his paintings brought out of the shadows. […] And I’ll be able to bring back the veils of a memory, what an evening in that studio gave me…”.
Anne de Staël, le 11 décembre 2023