Vichy Enchères

Chaises du Parc des Sources de Vichy

Vichy Enchères met en vente le vendredi 16 mai 2025, pour le compte de la Ville de Vichy, un important stock de chaises et de tables. Ce mobilier en métal laqué blanc emblématique est bien connu des Vichyssois et des curistes puisqu’il a habillé de son design emblématique le Parc des Sources pendant des décennies. Certaines pièces de ce stock ont été customisées par des artistes graffeurs locaux, transformant celles-ci en véritables oeuvres d’art. Elles composent sept lots uniques qui vont devenir des pièces de collection. Avec des estimations accessibles, l’opportunité est offerte à tous, et en particulier aux amoureux de Vichy, de s’offrir une petite part du patrimoine vichyssois, sous le coup de marteau du commissaire-priseur, Maître Etienne LAURENT.


Contexte de création et rôle dans le Vichy thermal

Le Parc des Sources de Vichy, aménagé progressivement dès le XVIIIe siècle et transformé en véritable promenade thermale sous Napoléon III, devint rapidement le cœur mondain de la station. Pour satisfaire une clientèle fortunée et cosmopolite, la Compagnie fermière de Vichy (CFV) – société concessionnaire chargée de gérer les sources et équipements thermaux – dota le parc d’aménagements confortables, dont un abondant mobilier de plein air. Dès la fin du XIXe siècle, des chaises furent mises à la disposition des curistes le long des allées et autour du kiosque à musique, en complément des bancs fixes[1]. Au départ, ce service était payant (un garde-chaises louait les sièges à la journée ou à l’heure, avec possibilité d’abonnements saisonniers) avant de devenir gratuit au cours du XXe siècle, suivant l’exemple des jardins parisiens[2].

En 1914, le Guide du baigneur et du touriste à Vichy recensait pas moins de 6 000 chaises métalliques dans le parc, témoignant de l’ampleur de leur usage. Ces sièges mobiles permirent d’instaurer dans le parc une atmosphère de « salon en plein air » propice à la sociabilité et au confort des visiteurs. Chaque après-midi, les chaises et bancs étaient pris d’assaut pour s’asseoir à l’ombre des allées, bavarder, lire, tricoter ou jouer aux cartes en attendant le concert du kiosque. Ainsi, ces modestes objets devinrent indissociables de la vie thermale vichyssoise et de l’urbanisme des lieux de cure.


[1] Pinon, Denis. Le « premier » Parc des Sources de Vichy : air et lumière d’une promenade thermale. Vichy

[2] Pinon, Denis. Le « premier » Parc des Sources de Vichy : air et lumière d’une promenade thermale. Vichy

Les chaises à dossier en volutes (XIXe siècle)

Le premier modèle marquant de chaises du Parc des Sources est la chaise à dossier en volutes, caractéristique de la seconde moitié du XIXe siècle. Ces chaises présentent une structure gracieuse et ajourée : un dossier arrondi orné de volutes (arabesques) et une assise circulaire perforée. Le piètement est constitué de fines barres cintrées, conférant à l’ensemble une allure élégante et légère. Ce design dit “filiforme” ou “filaire” était inspiré par le mobilier de jardin en vogue sous Napoléon III et à l’époque Belle Époque, mêlant influences classiques et préfigurant parfois l’Art nouveau par ses motifs courbes. Fabriquées artisanalement par des ferronniers, ces chaises combinaient du fer plein forgé (pour le cadre et les volutes du dossier) et probablement une assise en tôle ou fonte ajourée fixée par rivets. Elles étaient peintes (souvent en blanc ou en vert jardin à l’origine; plus tard, certaines furent repeintes en couleurs vives comme le jaune) pour les protéger de la rouille et s’harmoniser avec l’esthétique des lieux.

Introduites à Vichy vers la fin du XIXe siècle, ces chaises à volutes ont équipé le parc pendant plusieurs décennies. Elles entouraient notamment le kiosque à musique en de larges cercles concentriques, formant un parterre de places assises en plein air. Ce dispositif permettait au public des concerts et aux promeneurs d’observer confortablement la scène ou de profiter du spectacle mondain. L’écrivain Georges Simenon, dans Maigret à Vichy (roman de 1967), campe son décor avec « des centaines, des milliers, semblait-il, de chaises de fer peintes en jaune entourant le kiosque, en cercles de plus en plus larges », image frappante de la foule élégante occupant le parc thermal. Véritables trônes de plein air, ces chaises mobiles offraient à chacun un point d’observation privilégié sur le défilé des curistes. Ce mobilier introduisait une touche de domesticité dans l’espace public, rendant le parc aussi confortable qu’un salon extérieur[1]. Au fil du temps, la silhouette rétro des chaises en fer forgé, alignées ou disposées sous les arbres, s’est ancrée dans le paysage de Vichy. Elles symbolisaient l’élégance thermale de la Belle Époque et du début du XXe siècle. Ce modèle ancien constitue ainsi la première génération de chaises iconiques du parc.


[1]  Pinon, Denis. Le « premier » Parc des Sources de Vichy : air et lumière d’une promenade thermale. Vichy

Les chaises en tôle perforée marquées « CFV » (XXe siècle)

Au tournant des années 1920, Vichy va adopter un second modèle de chaises, plus moderne, en phase avec l’ère industrielle. Il s’agit des chaises tout en métal estampillées du sigle « CFV » sur le dossier – initiales de la Compagnie Fermière de Vichy – que l’on retrouvait par centaines dans le parc à partir des années 1930. Ces sièges sont identifiés comme des chaises Multipl’s, du nom de la première marque ayant fabriqué ce type de chaise industrielle empilable dès 1925. Dessinée par l’ingénieur lyonnais Joseph Mathieu et lancée en 1927, la chaise Multipl’s répondait au besoin d’un mobilier urbain pratique et robuste. Sa conception innovante en tôle d’acier emboutie et ajourée la rend à la fois solide, légère et facile à manipuler.

Les chaises CFV présentent un design fonctionnel typique de l’Art déco industriel : un dossier en tôle découpée, légèrement cintré pour épouser le dos, arborant en relief ou en découpe le monogramme “CFV” sur sa traverse supérieure; une assise ronde ou ovale en tôle perforée de nombreux trous pour l’écoulement de l’eau de pluie; et quatre pieds formant un piètement évasé, renforcé par des plis et nervures dans la tôle qui assurent stabilité et empilabilité. L’ensemble des pièces métalliques était assemblé par rivetage ou soudure et recouvert d’une peinture protectrice. À Vichy, on les a connues peintes en jaune vif dans les années 1960-1970, ce qui, combiné à leur matériau tout acier, contrastait avec les anciennes chaises blanches en fer forgé. Bien qu’entièrement métalliques, ces chaises restaient mobiles et pouvaient être déplacées à volonté par les usagers ou le personnel du parc.

Surtout, leur grand avantage technique était de pouvoir se nidifier les unes dans les autres pour le stockage : la forme ingénieuse de leur piètement permettait de les empiler aisément en hauteur, facilitant leur rangement quotidien en dehors des heures d’ouverture ou en basse saison. Cette caractéristique expliquait leur succès dans les lieux très fréquentés comme Vichy, mais aussi dans de nombreuses brasseries et établissements en France où la Multipl’s fut adoptée dans l’entre-deux-guerres.

L’introduction de ces chaises en tôle emboutie au Parc des Sources intervient durant l’entre-deux-guerres, vraisemblablement autour des grands travaux de 1928 qui modernisent le parc (installation d’une pergola, allées cimentées, etc.). La Compagnie Fermière, soucieuse de renouveler l’image de la station, choisit ce modèle à la fois moderne et plus économique à entretenir.

Dès lors, les anciennes chaises à volutes cohabitent quelque temps avec les nouvelles, puis ces dernières finissent par les supplanter progressivement au cours du XXe siècle. Les visiteurs des années 1930 à 1970 gardent ainsi en mémoire surtout les chaises métalliques CFV, alignées en masse sous les marronniers ou autour du kiosque à musique. C’est justement sur ces chaises de tôle que le peintre britannique David Hockney asseoit deux de ses amis pour les peindre face au parc, dans son tableau Le Parc des Sources, Vichy (1970). Immortalisées par ce regard artistique, et par les photographies d’époque, les chaises Multipl’s jaunes de Vichy devinrent à leur tour un emblème visuel de la station thermale pendant la seconde moitié du XXe siècle. Leur design dépouillé, purement fonctionnel, tranche avec l’ornementation des modèles 1900, mais incarne l’esthétique industrielle du moment. Cette deuxième génération de chaises du parc – « chaise en tôle perforée CFV » – a durablement marqué le paysage thermal vichyssois.

Évolution au fil des décennies et patrimonialisation

L’histoire de ces chaises reflète l’évolution de Vichy et du thermalisme du XIXe au XXe siècle. Introduites sous l’égide de la Compagnie Fermière dans le contexte faste de la Belle Époque, les gracieuses chaises à volutes ont dominé le paysage du parc jusqu’au début du XXe siècle.

Après la Première Guerre mondiale, dans un souci de modernisation et d’efficacité, la Compagnie a opté pour les nouvelles chaises en tôle Multipl’s, plus faciles à gérer en grande quantité. Ce remplacement progressif illustre le passage d’un style Art nouveau/Napoléon III à un style Art déco/industriel, marquant le renouveau de l’esthétique urbaine à Vichy dans les Années folles.

Durant l’Entre-deux-guerres et les Trente Glorieuses, les chaises CFV ont été continuellement utilisées par les curistes et touristes. On les voit sur de nombreuses cartes postales et photographies des années 1930 à 1960, témoignant de l’ambiance animée du parc. Elles survécurent même aux années sombres où Vichy devint siège du gouvernement (1940-44) – la chronique rapporte que lors de l’installation du régime en 1940, on bloqua un moment l’accès à l’Hôtel du Parc avec les chaises de fer du parc[1]. Après la guerre, la gestion du parc passa de la Compagnie Fermière (dissoute en 1954) à des organismes publics, mais le rituel des chaises libres se maintint.


[1] https://shs.cairn.info/vichy-capitale-1940-1944–9782262010133-page-17?lang=fr

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