Le 22 mars 2022, rendez-vous à Vichy Enchères pour la première partie de la vente de la collection Pierre Landau (1955-2018), l’une des plus vastes et pointues collections de documents historiques sur la musique et la danse en France aux XIXème et XXème siècles. À travers des manuscrits musicaux annotés, programmes de concerts, autographes d’artistes et illustrations de spectacles, c’est toute l’âme du Paris de la modernité que nous vous invitons à ressentir… Une modernité dansante ! Devant cette superbe sélection riche en partitions et représentations de danseurs, les ballets reprendront vie sous vos yeux… Et si la musique venait à vous manquer, l’importante réunion de vinyles classiques devrait parachever votre immersion dans la bouillonnante vie musicale d’antan !
Cette vente propose ce que j’appellerais « Les Choix de Pierre » certains diraient « Le Festin de Pierre » (…) dont font partie l’extraordinaire réunion quasi exhaustive des publications autour des Ballets russes de Serge de Diaghilev, entre 1909 et 1929.
François Roulmann – Expert de la vente
Pendant la majeure partie des XIXème et XXème siècles, Paris a incontestablement été la capitale des arts. Des artistes aussi réputés que talentueux, dont un grand nombre d’étrangers, furent les protagonistes d’une vie artistique intense que reflète la collection Landau. À partir de la fin du XIXème siècle, les échanges culturels entre la France et la Russie se resserrèrent et la musique russe se fit connaître et apprécier du public français.
C’est donc sans surprise si la première saison des Ballets russes – la célèbre compagnie dirigée par Serge de Diaghilev (1872-1929) – se déroula à Paris, au théâtre du Châtelet, en 1909. Rencontrant un immense succès, les Ballets russes se produisirent par la suite dans la capitale presque tous les ans jusqu’en 1929. Leur dernière représentation fut donnée le 4 août 1929, à Vichy, la capitale d’été de la musique entre 1901 à 1964 !
Parmi les documents historiques témoignant de l’effervescence autour des Ballets russes, les programmes de concerts font partie des plus remarquables. Or, la collection Landau réunit tous les programmes français des Ballets russes. Ces derniers nous renseignent sur le goût de l’époque en matière de musique, sur les associations de Diaghilev avec d’autres chorégraphes tels que Nijinski, tout en se faisant le miroir de l’art pictural à travers leurs illustrations réalisées par les plus grands maîtres de l’époque.
Un grand nombre de peintres russes créèrent ainsi les décors, costumes et illustrations des ballets, à l’image de Natalia Gontcharova, Mikhaïl Larionov, Pavel Tchelitchev ou Théodor Fedorowky. Leurs créations s’inscrivent dans les différents mouvements artistiques de leur temps, du néo-primitivisme au cubisme, en passant par le rayonnisme. Toutefois, on ne peut pas parler des Ballets russes sans mentionner leur collaborateur privilégié et incontournable, Léon Bakst, qui réalisa la scénographie et les costumes de multiples chefs-d’œuvre de 1909 à 1921.
Pensées comme de véritables tableaux, les créations de Léon Bakst conjuguent audace chromatique, esthétique Art déco, correspondances des formes et sensualité de la ligne. À la recherche d’un art total, son travail sur les décors et les costumes a révolutionné la décoration théâtrale, la mode et les arts décoratifs. La collection Landau dresse un riche panorama de ses créations, dont les plus marquantes restent assurément L’Après-midi d’un faune, Daphnis et Chloé, L’Oiseau de feu ou encore Schéhérazade. Plusieurs dessins et couvertures de programmes de concert – similaires à ceux de la collection Landau – sont aujourd’hui conservés en collections muséales. C’est notamment le cas de la couverture de juin 1911, représentant une bacchante dans Narcisse, dont un tirage appartient désormais à la Bibliothèque-Musée de l’Opéra de Paris et dont vous pourrez retrouver un exemplaire lors de la vente du 22 mars 2022.
Le triomphe de Léon Bakst vint balayer nos scènes et substituer à la poussière grise une poussière nouvelle, poussière d’or et de vives couleurs. Les femmes élégantes subirent le joug de Bakst. Les corsets, les guirlandes, les manches à gigot, les diadèmes, les tulles, les bourrelets de cheveux, les chignons disparurent et laissèrent place aux turbans, aux aigrettes, aux tuniques persanes, aux jugulaires de perles, à tout un terrible attirail des Mille et une Nuits.
Jean Cocteau
À côté des créations typiquement russes marquées par l’association de Diaghilev avec Fokine, Nijinsky, Stravinsky ou Bakst, se succèdent des ballets plus cosmopolites s’ouvrant à des artistes incontournables de la scène internationale : Maurice Ravel, Georges Auric, Erik Satie, Pablo Picasso, André Derain, Giorgio de Chirico, André Masson ou encore Henri Matisse. Ces nouveaux ballets proposent une esthétique révolutionnaire et avant-gardiste, à l’origine de plusieurs scandales, dont l’un des plus historiques fut provoqué par Parade. Fruit de la collaboration entre Cocteau, Satie, Massine et Picasso, ce “ballet réaliste” fut donné pour la première fois au Théâtre du Châtelet, le 18 mai 1917. Une partie du public fut scandalisée par l’intégration dans l’orchestre d’objets absurdes, tels qu’une machine à écrire et un bouteillophone (série de bouteilles contenant des quantités différentes de liquide), et jugea les costumes de Picasso inappropriés et la chorégraphie grotesque. Bien avant le Manifeste du surréalisme d’André Breton de 1924, le terme « sur-réaliste » naquit sous la plume d’Apollinaire pour qualifier le scandaleux ballet[1]…
[1] Bruno Giner, Erik Satie. Parade : chronique épistolaire d’une création, Paris, Berg International, 2013, p. 8
Et c’est avec stupeur que les habitués des Ballets russes d’avant 1914 virent se lever le rideau de Picasso, déjà tout à fait insolite pour eux, sur un décor cubique… Chaque art ruait dans les brancards.
Francis Poulenc, Moi et mes amis, 1963
Doué d’une grande érudition et passionné de musique, Pierre Landau a scrupuleusement choisi chaque pièce de sa collection. Composée de livres anciens, programmes de concerts historiques, autographes de grands interprètes et compositeurs, celle-ci livre de rares témoignages sur l’histoire et la pratique de la musique, et particulièrement sur celle de la danse.
En effet, on retrouve dans cet ensemble de nombreuses représentations de danseurs, que ce soit dans l’art pictural ou la photographie. Cette iconographie constitue ainsi une source importante pour la pratique de la danse, du point de vue chorégraphique mais aussi sociétal, et nous renseigne sur les danseurs de l’époque et leur activité.
La collection Pierre Landau offre également une impressionnante iconographie des costumes et décors de ballets au XXème siècle et nous éclaire sur les pratiques scéniques.
Pour bien faire, à chaque chanson, il faudrait un costume qui s’accorde, une coiffure, un maquillage, une lumière à elle, un décor spécial.
Joséphine Baker
Ce vaste recueil iconographique nous en dit beaucoup sur la société française de l’époque, son regard sur le monde, ses influences étrangères et son héritage culturel. Il met en exergue le rôle de la musique dans les sociétés, perceptible notamment à travers les thèmes musicaux. Parmi les grandes influences qui traversent le XXème siècle, la culture traditionnelle russe est évidemment très présente dans les ballets et opéras français. De manière générale, on perçoit une réelle fascination pour l’Orient et l’Asie.
Comme le soulignait l’exposition Cartier et les Arts de l’Islam récemment achevée au MAD (Musée des Arts Décoratifs de Paris, 21 octobre 2021 – 20 février 2022) présentant des affiches de Léon Bakst pour les Balles russes, l’arrivée sur le marché de l’art parisien dans les années 1910, de livres persans et indiens et l’ouverture de l’exposition de “miniatures persanes” en 1912 au musée des Arts décoratifs, suscitèrent un véritable phénomène autour de la mode persane et des arts de l’Islam. Enfin, la mythologie gréco-romaine reste une source d’inspiration majeure durant le premier tiers du XXème siècle. Comme l’exprime Léon Bakst, “on désirait tout ce qu’il y avait de plus antique possible – le plus proche d’Homère”. Narcisse (1911) et Daphnis et Chloé (1912) font partie de ces hommages à une Grèce antique pittoresque.
Enfin, l’iconographie musicale de la collection P. Landau constitue une source importante pour témoigner de la présence des instruments de musique dans les compositions, mais aussi pour l’histoire des notations musicales, des ensembles musicaux et des pratiques musicales.
Notons qu’elle rassemble l’un des plus grands ensembles connus de programmes de concerts donnés de 1898 à 2008…
Retrouvez-nous le 22 mars 2022, en salle ou en live sur Interencheres, pour la dispersion d’une partie de la collection de Pierre Landau, cet érudit passionné et généreux, comme aime à le décrire François Roulmann, expert de cette vente.
We invite you to join us on 22 March 2022 at Vichy Enchères for the first part of the sale of the Pierre Landau (1955-2018) collection, one of the largest and best collections of historical documents on music and dance in France in the 19th and 20th centuries. Through annotated musical manuscripts, concert programmes, artists’ autographs and illustrations of performances, we invite you to get a taste of Paris in the modern era, with a particular focus on dance. This superb selection of scores and representations of dancers will make the ballets come back to life before your eyes… And if you were craving some music, the important collection of classical records should complete your immersion in the bubbling musical life of yesteryear.
This sale offers what I would call “The choice cuts of Pierre”, and others might call “The feast of Pierre”, (…) and includes the extraordinary, almost exhaustive, collection of publications about Sergei Diaghilev’s Ballets Russes between 1909 and 1929.
François Roulmann – Sale Specialist
Pendant la majeure partie des XIXème et XXème siècles, For most of the 19th and 20th centuries, Paris was unquestionably the arts capital of the world. Artists of great renown and talent, many of whom came from abroad, were at the forefront of an intense artistic life, and this is reflected in the Landau collection. From the end of the 19th century, cultural exchanges between France and Russia grew ever closer and Russian music became known and appreciated by the French public.
It is therefore no surprise that the first season of the Ballets Russes – the famous company directed by Sergei Diaghilev (1872-1929) – was hosted in Paris, at the Théâtre du Châtelet, in 1909. It met with tremendous success, and the Ballets Russes subsequently performed in the capital almost every year until 1929. They gave their last performance on 4 August 1929, in Vichy, the summer capital of music between 1901 and 1964.
Amongst the historical documents attesting to the excitement around the Ballets Russes, the concert programmes are probably the most remarkable. The Landau collection contains all the French programmes of the Ballets Russes. They inform us of the music tastes of the time, Diaghilev’s collaborations with other choreographers, such as Nijinsky, while reflecting the contemporary pictorial art through their illustrations produced by the greatest masters of the time.
Indeed, a large number of Russian artists created the sets, costumes and illustrations for the ballets, including Natalia Goncharova, Mikhail Larionov, Pavel Tchelitchev and Theodor Fedorowky. Their creations mirror the different artistic movements of their time, from Neo-primitivism to Cubism, including Rayonism. However, one cannot talk about the Ballets Russes without mentioning their foremost and essential collaborator, Léon Bakst, who designed the stage sets and costumes for many of the ballets’ masterpieces from 1909 to 1921.
Conceived as complete works of art, the creations of Léon Bakst combine chromatic audacity, Art Deco aesthetics, correspondence of form, and sensual lines. His holistic artistic approach led his work on sets and costumes to revolutionize stage set design, fashion and the decorative arts. The Landau collection provides a detailed account of his creations, the most striking of which are undoubtedly for L’Après-midi d’un faune, Daphnis et Chloé, L’Oiseau de feu and Schéhérazade. Several drawings and covers of concert programmes – similar to those featuring in the Landau collection – are now kept in museum collections. This is the case of the programme cover of June 1911, representing a bacchante in Narcissus; a print of it now belongs to the Library-Museum of the Paris Opera and a copy of it will be included in the sale of 22 March 2022.
The triumph of Léon Bakst swept off the grey dust of our stages, replacing it with a new, gold and brightly coloured one. Elegant women fell under the spell of Bakst. Corsets, garlands, lamb sleeves, diadems, tulles, rolls of hairs and chignons all disappeared and gave way to turbans, aigrettes, Persian tunics, pearl chinstraps, and all other sorts of paraphernalia from One Thousand and One Nights.
Jean Cocteau
Alongside the typically Russian works resulting from Diaghilev’s association with Fokine, Nijinsky, Stravinsky or Bakst, more cosmopolitan works followed, opening up the stage to key artists from the international scene: Maurice Ravel, Georges Auric, Erik Satie, Pablo Picasso, André Derain, Giorgio de Chirico, André Masson and Henri Matisse. These new ballets presented revolutionary and avant-garde aesthetics, resulting in several scandals, one of the most historic of which was created by Parade. The fruit of the collaboration between Cocteau, Satie, Massine and Picasso, this “realistic ballet” was performed for the first time at the Théâtre du Châtelet on 18 May 1917. Some parts of the public were shocked by the unusual inclusion in the orchestra’s instruments of everyday objects, such as a typewriter and a “bouteillophone” (a series of bottles containing varying amounts of liquid), and found Picasso’s costumes inappropriate and the choreography grotesque. Long before André Breton’s Manifesto of Surrealism in 1924, the term “surrealist” was coined by Apollinaire to describe the scandalous ballet[1]…
[1] Bruno Giner, Erik Satie. Parade : chronique épistolaire d’une création, Paris, Berg International, 2013, p. 8
And it was with astonishment that the regulars of the Ballets Russes before 1914 saw the Picasso curtain rise, already quite unusual for them, on a cubic stage set… Every art form on the stage took a rebellious turn.
Francis Poulenc, Moi et mes amis, 1963
Pierre Landau was very erudite and passionate about music and he scrupulously selected each item in his collection. Containing old books, historical concert programmes, and autographs of great performers and composers, it provides a rare testimony about the history and practice of music, and in particular of dance.
Indeed, this set of documents includes many representations of dancers, whether through pictures or photographs. These illustrations therefore constitute an important source of information regarding the dance practices of the time, from a choreographic as well as social point of view, and inform us about the dancers of the time and their activity.
The Pierre Landau collection also contains an impressive number of representations of ballet costumes and sets in the 20th century, and sheds light on stage practices.
To do things properly, each song had to have its individual matching stage costume, hairstyle and makeup, a light of its own, and a special setting.
Joséphine Baker
This vast pictorial collection tells us a lot about French society at the time, its outlook on the world, its foreign influences and its cultural heritage. It highlights the role of music in societies, perceptible in particular through musical themes. Amongst the great influences that ran through the 20th century, traditional Russian culture was obviously one that was very perceptible in French ballets and operas. More broadly, we can sense that there was a real fascination for the Orient and Asia.
As highlighted by the recent exhibition Cartier et les Arts de l’Islam at the Musée des Arts Décoratifs de Paris (MAD), which ran from 21 October 2021 to 20 February 2022 and featured posters by Léon Bakst for the Ballets Russes, the arrival on the Parisian art market in the 1910s of Persian and Indian books, and the opening of the exhibition of “Persian miniatures” in 1912 at the MAD, created a real enthusiasm for Persian fashion and the arts of Islam. Finally, Greco-Roman mythology remained a major source of inspiration during the first third of the 20th century. As Léon Bakst put it, “we wanted everything as ancient as possible – as close to Homer as possible”. Narcissus (1911) and Daphnis et Chloé (1912) are tributes to a picturesque ancient Greece.
Finally, the musical illustrations in the P. Landau collection constitute an important source of information regarding the inclusion of particular musical instruments in compositions, as well as the history of musical notation, musical ensembles and musical practices.
It is worth noting that it brings together one of the largest known sets of concert programmes of performances from 1898 to 2008.
Please join us on 22 March 2022, in person or via the live stream on Interencheres, for the sale of part of the collection of Pierre Landau, this passionate and generous scholar, as François Roulmann, the specialist for this sale, describes him.