Vichy Enchères

Les instruments de Marc Guilloux

Lors de la vente du 7 mai 2022, vous aurez l’occasion de retrouvez les instruments de Marc Guilloux : uilleann pipes, cornemuse écossaise, northumbrian smallpipes et bien d’autres encore…


Parmi les meilleurs joueurs français

De formation scientifique (il a exercé le métier d’ingénieur automobile), le breton Marc Guilloux avait aussi la fibre artistique, et spécialement pour la cornemuse irlandaise nommée uilleann pipes. On reconnaît en lui l’un des premiers joueurs français de pipes à maîtriser la totalité des possibilités de cet instrument complexe et sophistiqué. Un pionnier, en somme, qui fonde l’association Na Piobairi, sise dans le quartier de Montparnasse à Paris. C’est dans ce lieu qu’il enseigne ensuite les techniques de jeu auprès de nombreux jeunes, dont certains, comme Tom Delany, vont se faire reconnaître comme piper. En 2000, il publie une méthode pour cette cornemuse, ce qui montre l’intérêt qu’il a suscité auprès des musiciens français. Bien connu dans le milieu des musiques traditionnelles et dans les cercles celtiques, l’homme a la réputation d’un bon vivant, généreux et jovial, qui attire systématiquement la sympathie. Il faut dire qu’il n’a pas compté son temps pour servir l’instrument qu’il chérit par-dessus tout. Qu’il fasse collection de cornemuses n’a donc rien d’étonnant, et montre aussi son ouverture d’esprit : sa prédilection pour le uilleann pipes ne l’a pas détourné d’autres cornemuses qu’il pouvait rencontrer lors de voyages en France ou à l’étranger.

Son attrait pour les pipes irlandaises ne se concentrait pas seulement sur la musique destinée à cette cornemuse, mais aussi sur sa facture. Il avait ainsi développé une grande amitié avec le regretté Alain Froment (décédé en 2008), facteur de uilleann pipes reconnu comme l’un des meilleurs fabricants, non seulement en France mais aussi en Irlande, où il avait installé son atelier, à Kenmare. Un parcours dans les sites et forums dédiés à cette union pipe (ancien nom de la cornemuse irlandaise) montrent rapidement sa renommée : nombreux sont les musiciens à la recherche de l’un de ses instruments.

Le uilleann pipes : un instrument fascinant

La cornemuse : instrument pastoral puis populaire

Le terme « cornemuse » désigne non pas un instrument particulier, mais un type organologique qui se caractérise par les points suivants : une réserve d’air en peau animale, un tuyau d’insufflation de l’air dans la poche, un tuyau mélodique et un ou plusieurs autres tuyaux permettant de faire entendre une note continue dite bourdon. Sur ce schéma général, les hommes ont produit une infinité de variations selon les pays ou les régions.

Essentiellement européenne (on trouve, ou on trouvait des cornemuses de la Péninsule ibérique à la Sibérie, et de l’Irlande à l’Italie, plus rarement au Moyen Orient), la cornemuse, longtemps associée au monde pastoral, devint rapidement instrument des bals et des fêtes populaires, mais fut aussi utilisée dans les musiques militaires ainsi qu’à l’époque baroque dans les grandes cours européennes du XVIII° siècle. Les Mozart père et fils ont écrit pour elle, notamment.

La cornemuse irlandaise

La cornemuse irlandaise se présente comme la plus élaborée des cornemuses, puisqu’elle comporte bien un sac – ici gonflé par un soufflet, et non à la bouche -, un tuyau mélodique, des bourdons et des régulateurs dans sa forme la plus achevée dite full-set. Le tuyau mélodique ou chanter a un ambitus de deux octaves, et un système de clefs permet de jouer certaines altérations. Les bourdons sont accordés sur la tonique à trois octaves différentes, ce qui est une spécificité de l’instrument. Les régulateurs, autre particularité de cette cornemuse, se présentent comme des tuyaux mélodiques pourvus de palettes métalliques, qui permettent de compléter l’harmonie de la pièce musicale. Ces palettes doivent être actionnées par le poignet de la main gauche, mais parfois aussi par les doigts de cette même main lorsque la mélodie le permet. Il n’est donc pas anodin que les musiciens commencent par jouer sur un instrument uniquement pourvu d’un chanter, puis ajoutent des bourdons – que l’on nomme uilleann half-set), avant de se lancer dans le jeu du full-set. La maîtrise de cette cornemuse s’avère donc longue et difficile : il faut à la fois coordonner le jeu du bras gauche sur le soufflet et celui du bras droit sur la poche formant réserve d’air, jouer avec les doigts sur le chanter, et actionner les régulateurs avec le poignet : un combat avec une pieuvre en quelque sorte, mais qui ne doit pas paraître lorsque le musicien joue en public. Une grande maîtrise corporelle signale le bon, voire le très bon musicien.

Des musiciens talentueux

Séamus Ennis, parfois nommé le dieu du uilleann pipes, possédait une grande sobriété de jeu, ainsi qu’une volonté de faire reconnaître l’esthétique de sa musique. Ainsi, il n’acceptait pas que le public parle ou fasse du bruit en l’écoutant, car il faisait une musique « pour le cœur et pour l’esprit », et non pas uniquement « pour les pieds », comme le font ceux qui se cantonnent au jeu de la danse.

Il faut le voir jouer, souvent en costume trois pièces et cravate, pour réaliser l’élégance de sa présentation sur scène et l’aisance de son jeu. Plus qu’un long discours, le lien suivant permettra à chacun de constater sa performance musicale et scénique :

Cette dichotomie musique à écouter / musique à danser s’est actuellement estompée, et les musiciens pratiquent les deux genres. Des pipers de la génération de la seconde moitié du XX° siècle, il faut retenir Paddy Moloney (1938-2021), musicien du groupe Chieftains, mais aussi compositeur de musique de films et producteur de disques.

Il ne faudrait pas oublier Paddy Keenan (né en 1950), uilleann piper du fameux groupe Bothy Band, dont le jeu se caractérise par un tempo rapide, un doigté legato et une grande richesse dans l’utilisation des régulateurs. Son principal instrument est signé de David Williams, facteur très reconnu, dont un très bel exemplaire figure dans la collection Marc Guilloux.

Un instrument gracieux : le northumbrian small-pipes

Moins sophistiqué que le uilleann pipes, cette cornemuse britannique du comté de Northumberland, ne comporte pas de régulateur mais n’en demeure pas moins fort intéressante, et même gracieuse. Sa sonorité très délicate fait penser à la musette de cour : la musique semble s’écouler comme l’eau d’une source de montagne. Elle présente de grandes similitudes avec la cornemuse irlandaise : elle se gonfle au soufflet, possède quatre à cinq bourdons, et son chanter, pourvu d’une anche double et fermé à son extrémité, permet le jeu en staccato, contrairement aux autres cornemuses du Royaume-Uni qui se jouent toujours legato. Si le uilleann pipes n’a pas de chanter fermé à son extrémité, les musiciens l’obture de temps à autres en l’appuyant sur la cuisse pour jouer staccato : voici donc une autre similarité entre ces deux cornemuses.

Le Northumbrian small-piper le plus réputé est une femme, Kathryn Tickell (née en 1967), nommée dès 1984 « Piper officiel de la mairie de Newcastle upon Tyne ». Elle a publié une vingtaine de disques et collaboré avec des musiciens tels que Sting, entre autres. A retenir le fait que si elle joue de la musique traditionnelle de sa région, elle travaille aussi avec des orchestres de jazz ou de musique de chambre.

Une collection éclectique

Si uilleann pipes et Northumbrian small-pipes doivent être considérés comme les joyaux de cette collection, celle-ci comprend d’autres types de cornemuses, tels qu’une zampogna d’Italie, deux mezoued de Tunisie et une cornemuse écossaise, entre autres. Et bien entendu le collectionneur n’a pas oublié le domaine français, avec une cornemuse du centre France de Jacquemin, ainsi qu’une « musette Béchonnet », instrument conçu et fabriqué par le facteur du même nom, actif à Effiat (Puy-de-Dôme). Né en 1821 et décédé en 1900, ce sabotier de formation produisit des instruments qui non seulement se caractérisent par des décors raffinés, des marqueteries, des filets d’ivoire ou d’ébène, des fleurs en nacre, mais aussi par des innovations techniques.

Le plus étonnant est la présence d’un petit bourdon situé derrière le boîtier portant le hautbois, mais il convient aussi de signaler l’implantation du grand bourdon en bas de la poche de la cornemuse : de ce fait, celui-ci est tenu à la verticale, comme dans certaines cornemuses flamandes. Béchonnet a sans doute vu différents types d’instruments dont il s’est inspiré pour créer sa musette – très prisée entre les années 1870 et 1930 – mais a laissé libre cours à son génie inventif pour produire ses propres innovations. Les amateurs de musiques à bourdons, les collectionneurs et les musiciens pourront faire leur choix dans cette belle collection, cela d’autant plus qu’un tel ensemble s’avère fort rare, comme le signale l’absence de terme pour dire collectionneur de cornemuses.

Un article de Lothaire Mabru – Professeur émérite Université de Bordeaux-Montaigne

THE INSTRUMENT COLLECTION OF MARC GUILLOUX

The sale on 7 May 2022 will provide the opportunity to find instruments that belonged to Marc Guilloux: uilleann pipes, Scottish bagpipes, Northumbrian smallpipes and many more…


Amongst the best French players

Having originally trained as a scientist (he worked as an automotive engineer), the Breton Marc Guilloux also had an artistic flair, in particular when it came to the Irish bagpipe, called uilleann pipes. He is considered one of the first French pipe players to have mastered all the possibilities of this complex and sophisticated instrument. In other words, he was a pioneer who founded the Na Piobairi association, located in the Montparnasse area of Paris. It is there that he taught the instrument to many young people, some of whom, like Tom Delany, would go on to become pipers. In 2000, he published a playing method for this bagpipe, which denotes the interest he aroused in the instrument amongst French musicians. He was well known in the world of traditional music and in Celtic circles, and had a reputation for being a bon vivant, a generous and jovial individual, who always attracted sympathy. It is true he was very generous of his time when it came to the instrument he cherished above all. The fact that he collected bagpipes is therefore not surprising, and also shows his open-mindedness: his predilection for the uilleann pipes was not exclusive, and he also took interest in other types of bagpipe he stumbled upon during his trips in France or abroad.

His passion for the Irish pipes did not only revolve around its music; he was also interested in its making. He developed a great friendship with the late Alain Froment (who died in 2008), one of the best makers of uilleann pipes, not only in France but also in Ireland, where he set up his workshop, in Kenmare. A curse search on the sites and forums dedicated to the union pipe (former name of the Irish bagpipe) shows how esteemed he is in this community: many musicians are looking for an instrument by him.

The uilleann pipes: a fascinating instrument

The bagpipes: a pastoral, then popular instrument

The term “bagpipe” does not designate a particular instrument, but rather a type of instrument with the following characteristics: a reserve of air in animal skin, a pipe for blowing air into the pocket, a melodic pipe and one or more other pipes producing a continuous note called a drone. A great number of individual national and regional variations of this type of instrument were produced.

Essentially a European instrument (bagpipes can be found from the Iberian Peninsula to Siberia, and from Ireland to Italy, but more rarely in the Middle East), the bagpipe, which was long associated with the pastoral world, quickly became an instrument played at popular balls and festivals. It was also used in military music, as well as during the Baroque period in the great European courts of the 18th century. In particular, Mozart senior and junior both wrote for the instrument.

The Irish bagpipes

The Irish bagpipe is the most elaborate bagpipe, as it includes a bag – inflated by a bellows, not by the mouth – a melodic pipe, drones and regulators in its most complete form, which is called a “full-set”. The melodic pipe or chanter has a range of two octaves, and a system of keys to allow certain accidentals to be played. The drones are tuned to the tonic at three different octaves, which is specific to the instrument. The regulators, another peculiarity of this bagpipe, are in the form of melodic pipes with metallic pallets, which make it possible to complete the harmony of the musical piece. These pallets must be operated by the wrist of the left hand, but sometimes also by the left-hand fingers when the melody allows it. Musicians begin by learning to play on an instrument only equipped with a chanter, and then on one with added drones – the instrument is then called “uilleann half-set” – before moving on to a full-set. Mastering this type of bagpipe is therefore long and difficult: it is imperative to coordinate the play of the left arm on the bellows with that of the right arm on the pocket forming an air reserve, play with the fingers on the chanter, and operate the regulators with the wrist: not unlike struggling with an octopus, while maintaining an air of dignity during public performances. It requires great control.

Talented musicians

Séamus Ennis, sometimes called the god of the uilleann pipes, was very restrained in his playing, and had a strong desire to achieve musical recognition for his instrument. As a result, he demanded that the public did not speak or make noises whilst listening to him play, because he made music “for the heart and for the mind”, not just “for the feet”, as do those who limit themselves to playing dance music.

You have to see him play, often wearing a three-piece suit and tie, to grasp the elegance of his presentation on stage and the ease with which he played. More than words, the following link will allow you to witness an example of his musical and stage performances:

The separation between music to listen to and music to dance to has now disappeared, and musicians practice both genres. Amongst the pipers from the second half of the 20th century, we should mention Paddy Moloney (1938-2021), member of the band The Chieftains, as well as film music composer and record producer.

We should also not forget Paddy Keenan (born in 1950), uilleann piper of the famous band The Bothy Band, whose playing is characterized by a fast tempo, fingered legato and great richness in the use of regulators. His main instrument was made by David Williams, a well-known maker, a very fine example of whom is in the Marc Guilloux collection.

A graceful instrument: the Northumbrian small-pipes

Less sophisticated than the uilleann pipes, the British bagpipe, originating from Northumberland, does not have a regulator but is nonetheless very interesting, and even graceful. Its very delicate sound is reminiscent of the Court musette: from it, the music seems to flow like water from a mountain spring. It is very similar to the Irish bagpipe: it swells with the bellows, has four to five drones, and its chanter, fitted with a double reed and closed at its end, allows staccato playing, unlike other bagpipes in the UK which are always played legato. When the uilleann pipes do not have a chanter closed at its end, the musicians closes it from time to time by pressing it against their thigh to play staccato; this is another similarity between these two bagpipes.

The most famous Northumbrian small-piper is a woman, Kathryn Tickell (born in 1967), named as early as 1984 “Official Piper for the Lord Mayor of Newcastle upon Tyne”. She has released around twenty records and collaborated with musicians such as Sting, amongst others. Although she plays traditional music from her region, she also works with jazz and chamber music orchestras.

An eclectic collection

While the uilleann pipes and Northumbrian small-pipes should be considered the jewels of this collection, it also includes other types of bagpipes, such as a zampogna from Italy, two mezoued from Tunisia and a Scottish bagpipe, amongst others. And of course the collector did not leave France out, as the collection includes a bagpipe from central France by Jacquemin, as well as a « musette Béchonnet », an instrument designed and manufactured by the maker of the same name, active in Effiat (Puy-de -Dome). Born in 1821 and deceased in 1900, this clog maker by training produced instruments that are not only characterized by refined decorations – inlays, ivory or ebony purfling and mother-of-pearl flower motifs – but also technical innovations.

The most surprising thing about this instrument is the presence of a small drone located behind the case carrying the oboe, but it is also worth pointing out the location of the large drone at the bottom of the pocket of the bagpipe: as a result, it is held vertically, as some Flemish bagpipes are. Béchonnet no doubt came across instruments from which he drew inspiration to create his musettes – an instrument in high demand between the 1870s and 1930s – but also gave free rein to his inventive genius and added his own innovations. Drone music lovers, collectors and musicians will be able to choose from this beautiful collection, especially since a collection of instruments such as this is very rare, as evidenced by the fact that there is no term to designate a bagpipe collector.

An article by Lothaire Mabru – Professor Emeritus University of Bordeaux-Montaigne

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