Le samedi 6 novembre 2021, lors de notre vente d’instruments à vent et à cordes pincées, trois remarquables harpes des XVIIIème et XIXème siècles seront vendues. Deux ont été réalisées par les Holtzman à la fin du XVIIIème siècle, tandis que la troisième – un modèle Érard peu commun – a été présentée à l’Exposition universelle de Vienne en 1873. L’occasion de revenir sur le succès que connut l’instrument en France à cette époque.
Au cours du dernier tiers du XVIIIème siècle, la harpe gagne ses lettres de noblesse grâce à une ambassadrice d’exception : Marie Antoinette. Harpiste, la reine convertit rapidement la Cour à sa passion, répandant ainsi la pratique de l’instrument dans les plus hautes sphères. Très vite, la gente féminine s’empare de l’instrument et certaines aristocrates, à l’imitation de Marie Antoinette, développent un réel talent. C’est le cas de la Comtesse de Genlis, qui eut pour maître le virtuose Georges Adam Goepfert et qu’une peinture représente en train de donner des leçons à la princesse Adélaïde d’Orléans et à sa fille Paméla Brûlart de Sillery.
Dès lors, l’instrument devient un symbole d’élégance et de grâce, si bien qu’un grand nombre de femmes de qualité se font délibérément portraiturer avec.
Subsistent ainsi une multitude de portraits attestant de cette vogue. Celle-ci est également révélée par le nombre de professeurs exerçant à Paris : en 1784, on en recensait une soixantaine[1]. Ce succès est concomitant, dans le dernier tiers du XVIIIème siècle, au développement d’œuvres écrites pour l’instrument. Certains s’en font une spécialité, à l’instar du musicien et compositeur tchèque Jean-Baptiste Krumpholz (1742-1790), tandis que d’autres composent ponctuellement pour l’instrument. C’est le cas de Mozart qui écrit un Concerto pour flûte et harpe (K. 299/297ᶜ) pour Mademoiselle de Guînes, en avril 1778[2]
Parallèlement, des ateliers de facteurs se développent à Paris et la harpe gagne en somptuosité afin de satisfaire sa précieuse clientèle. Pour être digne d’apparaître à la Cour, elle se pare d’ornements luxuriants. Elle arbore généralement, au niveau du chapiteau, de belles volutes de feuilles d’acanthes qui terminent la console en apothéose. Sa colonne est finement sculptée et agrémentée de guirlandes, à l’image du superbe modèle conservé au Musée de la musique de Paris réalisé par Godefroy Holtzman à la fin du XVIIIème siècle. Comme en témoigne cet instrument, les harpes les plus travaillées ont des tables d’harmonie peintes de motifs floraux polychromes et leurs sculptures sont dorées à la feuille. Une peinture de 1783, réalisée par Charles Leclercq et conservée au Château de Versailles, figure Madame Elisabeth jouant une harpe similaire.
Ce modèle, très caractéristique des harpes présentes à la cour de Louis XVI, est pourtant l’œuvre d’un allemand : Godefroy Holtzman. À la fin du XVIIIème siècle, l’exaltation autour de la harpe et le mécénat royal encouragent les virtuoses et facteurs étrangers, à l’image de la famille Holtzman, à s’installer à Paris. Godefroy, Henry et Jean-Baptiste Holtzman – respectivement reçus maîtres luthiers en 1776, 1782 et 1784 – comptent parmi les meilleurs. Certains de leurs instruments rivalisent avec les plus beaux modèles de la fin du siècle. Les deux instruments Holtzman – en vente le 6 novembre 2021 à Vichy Enchères – témoignent de leur savoir-faire et de la qualité de leur travail.
Le premier instrument, signé à l’intérieur “Holtzman à Paris” et daté 1775, présente une crosse somptueusement ouvragée et rehaussée d’or, ainsi qu’une table d’harmonie ornée de peintures figurant des trophées d’instruments de musique et des scènes animées de jeunes gens de cour. Finement peintes, ces dernières sont typiques du goût français pour les scènes galantes et s’inspirent des maîtres du genre que sont Antoine Watteau et François Boucher.
Comble du raffinement, la console est également peinte en noir et parsemée de motifs floraux naturalistes, que l’on retrouve tout le long de la colonne. L’inspiration florale est présente sur tous les éléments décoratifs de la harpe, et est particulièrement exacerbée au niveau de la base de la colonne, recouverte de sculptures reproduisant un luxuriant bouquet de fleurs.
Les trophées de musique peints sur la table d’harmonie inscrivent un peu plus l’instrument dans l’art de son temps, puisque ce motif ornemental inspiré de l’art antique était très fréquent à l’époque moderne. Ces trophées, surplombés de rubans, sont d’ailleurs très semblables – au moins par leur composition – à ceux réalisés par le peintre Jean-Baptiste Huet.
Le deuxième modèle en vente, signé à l’encre “H. Holtzman Fils à Paris” – certainement pour Henry Holtzman – est d’un raffinement typique des harpes Louis XVI. Très travaillé, il est orné d’une crosse à enroulement de feuilles d’acanthes, de lauriers et de fleurs, rehaussés de dorures et reposant sur une vasque à l’antique. La table d’harmonie est, là encore, recouverte de trophées de musique, ainsi que de paysages ruraux réalisés dans l’esprit des grands maîtres de l’époque.
Ces deux instruments sont équipés de mécaniques à crochets et de sept pédales. Ce type de harpes a été inventé en 1697, par un facteur allemand du nom de Hochbrücker. Celui-ci a imaginé un système de crochets en mouvement par le jeu de sept pédales placées à la base de l’instrument, permettant une plus grande liberté de modulation. C’est ce qu’on appellera la harpe à simple mouvement. Il faudra attendre le début du XIXème siècle pour que Sébastien Érard – le plus illustre facteur de harpes de l’histoire – perfectionne le système.
À Paris, les facteurs mènent diverses recherches afin de perfectionner l’instrument, qui est progressivement amélioré grâce à une succession d’innovations mises au point durant le dernier tiers du XVIIIème siècle et le premier tiers du XIXème siècle. Certaines familles de facteurs vont apporter une contribution majeure à cette évolution, parmi lesquelles, les Cousineau, dont Vichy Enchères a vendu plusieurs harpes. Vers 1780, Georges Cousineau – celui que l’on appelle aussi Cousineau père – “remplace les crochets, qui déviaient la corde du plan principal – inconvénient majeur -, par un ingénieux mécanisme de “béquilles” qui agissent en maintenant la corde dans le plan.”[1] et présente en 1782, une harpe à quatorze pédales capable de jouer dans tous les tons.
[1] Joël Dugot, “La facture de la harpe parisienne à la fin du XVIIIe siècle” dans Florence Gétreau (dir.), Instrumentistes et luthiers parisiens, XVIIe – XIXe siècles, 1988, p.149.
Une deuxième famille a joué un rôle important dans le développement de la harpe à la fin du XVIIIème siècle : les Naderman. En effet, en 1787, Jean-Henri Naderman présente une “harpe à renforcement” à l’Académie des Sciences, conçue en collaboration avec Jean-Baptiste Krumpholtz, “dotée d’un système de volets d’expression commandés par une pédale qui permet de nuancer davantage la dynamique”[1].
Les Cousineau, ainsi que les Naderman, “joignaient à leur activité de facteurs renommés celles de virtuoses de la harpe et de compositeurs, développant et enrichissant la pédagogie et le répertoire de l’instrument. Leurs efforts assidus ont conduit progressivement la harpe vers les ultimes améliorations apportées par les Erard”[2].
[1] Joël Dugot, “La facture de la harpe parisienne à la fin du XVIIIe siècle” dans Florence Gétreau (dir.), Instrumentistes et luthiers parisiens, XVIIe – XIXe siècles, 1988, p.149.
[2] Ibid, p.165.
“Érard, la première des maisons, celle qui possède encore aujourd’hui le mérite de sa brillante gloire universelle.”
L’Exposition universelle de Vienne : journal illustré, 1873
La maison Érard tient son nom de Sébastien Érard (1752-1831), facteur de clavecins, de piano et de harpes. Sa réputation et son talent lui permettent très vite d’être introduit à la Cour. Il côtoie Louis XVI et Marie Antoinette et travaille pour les plus grands commanditaires. En 1781, il fonde sa société avec son frère aîné Jean-Baptiste et s’établit rue de Bourbon – actuelle rue de Lille – puis au 13 rue du Mail à Paris. En 1792, les épisodes révolutionnaires le conduisent à s’exiler à Londres, où il fonde une fabrique de pianos et de harpes au 18 Great Malborough Street. Il conçoit de nombreuses innovations et dépose plusieurs brevets, dont la harpe à double mouvement (1808-1811) et le piano à double échappement (1822) – des inventions à l’origine de la harpe et du piano modernes. Déjà dans les années 1800, il avait inventé le système à fourchettes, rendant accessible les trois hauteurs de notes. Cependant, avec le double mouvement, Érard donne à l’instrument la possibilité de jouer les demi-tons supérieurs et inférieurs de la note naturelle.
“La perfection, si rare en toute chose, avait été atteinte par Sébastien Érard dans la harpe à double mouvement ; car on n’aperçoit pas en quoi elle aurait pu progresser encore, à moins de changer sa nature.”
Exposition universelle de Paris en 1867 : documents et rapports
Les plus grands musiciens de l’époque vont alors jouer sur ses instruments, à l’image de Haydn, Beethoven et Liszt. À sa mort en 1831, son neveu Pierre prend la succession de l’entreprise et continue à enrichir la firme de nombreux brevets et distinctions. À partir de 1855, la veuve de Pierre Érard et son beau-frère M. Schaëffer, reprennent l’activité et la Maison continue de rencontrer le succès aux diverses expositions. À la disparition de Schaëffer le 27 janvier 1873, Mme Érard confie l’administration de la maison au facteur Albert Blondel (1849-1935) qui devient, à la mort de celle-ci en 1889, directeur de la maison Érard (facteur de pianos et harpes) et de la salle Érard (salle de concert, Paris). En 1903, la firme prend le nom Érard – A. Blondel et Cie, successeurs.
Si à l’arrêt de la production en 1959, la maison Érard comptait seulement 5 000 harpes pour plus de 130 000 pianos[1], ces dernières ont toujours été considérées comme les meilleures du monde. À juste titre, cette “faible” production témoigne d’une fabrication soignée et réfléchie, aux antipodes de la production de masse dont le seul but serait le profit. La maison Érard a toujours produit des harpes, par tradition et fidélité pour ce qu’avait entrepris Sébastien, mais également par amour pour l’instrument. Ainsi, ce n’est pas avec ses harpes qu’Érard fit fortune. Comme le résume Constant Pierre :
“C’est que dans la maison ÉRARD on a beaucoup plus le souci de faire d’excellents instruments, que d’en produire beaucoup laissant à désirer sous quelque rapport, et pour y arriver, aucun sacrifice n’est épargné : tout instrument qui ne réunit pas les qualités voulues est impitoyablement détruit ; les matériaux sont tous de premier choix et ce n’est pas le prix de revient qui décide de l’adoption du mécanisme, mais bien ses qualités.”
Pierre Constant, Les facteurs d’instruments de musique: les luthiers et la facture instrumentale : précis historique, Ed. Sagot, 1893, p.173.
Son travail de recherche a permis de perfectionner l’instrument et les musiciens ne s’y sont pas trompés. La majorité des harpistes jouaient sur des Érard et la française Henriette Renié (1875-1956) en est un fameux exemple. La relation entre la célèbre harpiste et la Maison témoigne du souci de cette dernière pour les musiciens. En effet, c’est chez Érard que Henriette Renié reçoit ses toutes premières leçons et c’est à la salle Érard qu’elle donne ses premiers concerts.
[1] Sylvain Blassel, About Henriette Renié, Interview with Alexandra Guiraud, 8 avril 2014
L’histoire de la maison Érard est jalonnée de succès et de récompenses, si bien qu’elle expose parfois “hors concours”. À chaque exposition, la critique est unanime et Érard remporte la médaille d’or (Paris 1819, Paris 1823, Paris 1827, Paris 1834, Paris 1839, Paris 1844, Paris 1855, Paris 1867, Paris 1878, Melbourne 1880). C’est aussi le premier fabricant d’instruments de musique à avoir été décoré de l’ordre de la Légion-d’honneur en 1867 :
“Honneur donc à la maison Érard ! Honneur surtout aux ouvriers, à leurs travaux! Ils n’ont pas oublié le serment qu’ils ont fait sur la tombe de leur chef, de ne pas laisser périr l’œuvre, de conserver au nom d’Érard cette auréole d’honneur, de probité et de gloire dont il brille depuis près d’un siècle. L’Empereur a récompensé dignement les travaux de la maison Érard. En nommant membre de la Légion d’honneur M. Schaeffer, récompense personnelle pour son habile, intelligente et loyale direction, il a accordé à la maison Érard une palme nouvelle. »
La musique à l’Exposition universelle de 1867, Louis-Adolphe le Doulcet Pontécoulant
Comme nous l’indiquent les registres de fabrication d’Érard consultables sur le site du musée de la Musique de Paris, la harpe de la vente Vichy Enchères du 6 novembre 2021 a été présentée à l’Exposition universelle de Vienne en 1873. Le registre de fabrication (N° INV E.2009.5.46) nous apprend qu’elle a été réalisée en octobre 1873, qu’elle portait à l’origine le numéro 1757, et qu’elle a “été transformée en harpe à 47 cordes pour être vendue à M. Bernal” en 1883. Elle a ainsi “été montée sur une nouvelle mécanique portant le n°1867”, encore visible aujourd’hui. Le registre la décrit comme une harpe à double mouvement “n°3 / Style Grec – ornée de sculptures et de peintures (Exposition de Vienne 1873)”.
Deux autres harpes étaient également présentées à l’Exposition universelle de Vienne et portent les numéros 1751 et 1752. Ce dernier modèle est bien connu puisqu’il est conservé au musée de la Musique de Paris. Concernant la harpe numérotée 1751, le registre de fabrication la décrit simplement comme une “harpe gothique n°2”, réalisée en juin 1873 et vendue le 12 novembre à Madame la Comtesse de Spaur pour sa villa de Thalgau (Autriche).
Comme l’indique le registre de fabrication, ces deux harpes – 1751 et 1752 – ont été réalisées en juin 1873 et il est assez probable qu’elles aient été exposées sur le stand d’Érard avant qu’un troisième modèle ne les rejoigne. Il s’agirait, en l’occurrence, de l’instrument de la vente du 6 novembre, achevé seulement en octobre. En effet, il est certain que des harpes Érard étaient exposées à Vienne depuis août, puisqu’on lit dans La Presse du 6 août 1873 que “Tous les membres du jury international ont admiré, à Vienne, les splendides instruments de Mme Erard, ses pianos inimitables, ses harpes, véritables merveilles d’art et d’élégance, puis ces messieurs ont passé.” L’hypothèse selon laquelle Érard aurait d’abord présenté deux harpes, puis une troisième à partir d’octobre, expliquerait la confusion des journalistes ne s’accordant pas sur le nombre exact de harpes. On lit dans Le Figaro que “les instruments exposés par la maison Érard étaient au nombre de huit : trois grands pianos à queue de concert, deux pianos droits à cordes obliques et trois harpes.” (29/11/1873) et dans L’Exposition universelle illustrée qu’“Il n’y a, à l’Exposition, que deux exemplaires de cet instrument royal : la harpe” (12/11/1873).
Sur ce sujet, Le Ménestrel du 5 octobre 1873 est particulièrement intéressant car il laisse entendre qu’une harpe aurait bien été ajoutée en cours d’Exposition :
“Il y a quelques jours seulement que la maison Érard a pu envoyer à l’exposition de Vienne un modèle de harpe, doté de perfectionnements tout nouveaux. Ce superbe instrument ne pourra plus être primé, le jury ayant terminé ses travaux et distribué les récompenses dont il disposait, mais il pourra du moins se faire apprécier du public qui fréquente l’Exposition : car M. Félix Godefroid, en chevalier fidèle, n’a pas voulu le laisser partir seul ; il a tenu à présenter dans le monde viennois cette nouvelle merveille.”
Cette hypothèse est d’autant plus séduisante que l’on retrouve, à la fois dans le registre de fabrication et dans le livre de ventes, le nom “Godefroy” associé à la harpe de la vente Vichy Enchères. Dans le livre de ventes, le nom de Godefroy apparaît sous celui de l’acquéreur de la harpe ; dans le registre de fabrication, il est indiqué dans la colonne “professeur” (rien d’étonnant à ce que “Godefroid” soit indifféremment écrit avec un “y” ou “id” – l’orthographe des noms de famille se fixant seulement à la fin du XIXème siècle).
Cette mention de Godefroid est d’autant plus intéressante qu’elle n’apparaît pas pour les deux autres harpes de l’exposition (1751 et 1752). Ainsi, il est tentant de penser que Félix Godefroid – “le plus grand harpiste du monde musical”[1] – ait joué de cette harpe, et qu’il se soit déplacé à Vienne spécialement pour en démontrer les qualités, bien qu’il ait pu jouer sur les deux autres modèles par la suite.
[1] Revue et Gazette Musicale de Paris, n°11, 17 mars 1850
“C’est vraiment un grand plaisir de voir avec quelle maestria et avec quelle expression Godefroy manie cet instrument. Ce que Liszt est au piano et Paganini avec son violon, Godefroy l’est pour la harpe. Quels sons poétiques il sait produire ! quelles harmonies charmantes il sait tirer de cordes raides ! Il est vrai qu’il est soutenu par ce merveilleux instrument qui cherche son pareil pour ce qui concerne la force et l’élégance, où toutes les nuances innombrables, du fortissimo le plus vigoureux au pianissimo le plus éthéré, sont facilement traduites.”
L’Exposition universelle de Vienne: journal illustré, 1873
Félix Godefroid (1818-1897) est à l’origine de pièces pour la harpe et le piano, mais aussi de messes et d’opéras, ainsi que d’une méthode d’apprentissage pour la harpe utilisée par plusieurs générations de harpistes. Témoignant de sa célébrité, on conserve plusieurs portraits le représentant, dont le plus fameux est celui de Félicien Rops conservé au musée de Namur.
Une fois de plus, les instruments d’Érard présentés à l’Exposition universelle de Vienne furent très remarqués et les improvisations de Félix Godefroid firent grande impression :
“La nouvelle que M. Godefroid devait encore jouer aujourd’hui dans la section française sur les harpes d’Erard avait attiré une foule très-nombreuse, qui écoutait avec recueillement les brillantes improvisations de l’artiste. Plus on entend ce célèbre virtuose et plus on est frappé de l’art incomparable avec lequel il sait tirer de la harpe une sonorité puissante et majestueuse à la fois.”
Le Ménestrel : Journal de Musique, le 5 octobre 1873
Maintes fois récompensée, la maison Érard était hors-concours en 1873, mais les instruments présentés reçurent beaucoup éloges, et tout particulièrement les harpes :
“Elle [la maison Érard] s’impose de généreux sacrifices pour conserver à l’art ce bel instrument, qui, sans elle, aurait fatalement disparu. […] Sur les trois harpes que j’ai vues, deux étaient d’une richesse et d’une beauté incomparables, et pouvaient à juste titre être comptées parmi les merveilles de l’Exposition.”
Le Figaro, le 29 novembre 1873
Ultime reconnaissance dont les instruments restent, malheureusement, impossibles à identifier. Seule certitude : la harpe en vente le 6 novembre 2021 a deux chances sur trois d’être concernée par cette louange… Il apparaît toutefois très probable qu’elle le soit, et ce à deux égards. D’abord, parce que Godefroid semble s’être déplacé spécialement pour elle. Ensuite, parce que l’on ne connaît pas d’autres harpes Érard présentant ce style de peintures sur la colonne – que ce soit dans les collections publiques et privées ou dans l’iconographie.
En effet, la colonne de cette harpe a la particularité stylistique d’être ornée – sur la base et l’architrave – de sept quadri riportati représentant des allégories de la musique. Ses peintures, délimitées par un encadrement doré, présentent des jeunes femmes vêtues à l’antique, jouant divers instruments et portant des couronnes de fleurs, telles nos muses de la mythologie. On croit ainsi reconnaître Euterpe jouant de la trompette, Érato à son tambourin ou encore Terpsichore tenant sa lyre… Ces peintures sont à elles-seules dignes d’intérêt. Elles témoignent d’un savoir-faire et d’une adresse dans l’exécution, notamment perceptibles dans le traitement des drapés.
Par leur iconographie et leur composition typiquement néoclassique, elles s’inspirent des peintures antiques découvertes à Pompéi et Herculanum au milieu du XVIIIème siècle. Fidèle à sa réputation et à l’excellence de ses harpes, la maison Érard ne travaillait qu’avec les meilleurs artistes et artisans, comme le démontre à nouveau cet instrument. Enfin, la caisse d’harmonie témoigne du soin tout particulier qui a été accordé à cette harpe. Elle est décorée d’une frise de clé grecque et de formes géométriques sur les ouïes qui suggèrent les “grotesques” antiques. Après plusieurs recherches, nous ne sommes pas parvenus à trouver d’autres modèles de harpe présentant de telles peintures. Ce modèle est donc tout particulièrement rare et raffiné.
Une élégance que l’on retrouve également dans ses formes délicatement sculptées et dans son fini. Cette colonne de temple grec, d’ordre corinthien, est d’un mimétisme remarquable. Base, spira, torus, fût cannelé, échine, chapiteau, etc. : tout y est reproduit dans les moindres détails, jusqu’aux denticules de la corniche courant le long de la console.
Plus qu’une simple restitution architecturale, la colonne a été enrichie d’ornements fantaisistes. Le fût s’est vu agrémenter d’une torsade de feuilles d’acanthes et de volutes rehaussée de dorures, tandis qu’une fine guirlande de perles dorées a été sculptée sous le chapiteau. Les griffes sont en forme de lions, élément caractéristique mais moins fréquent que les “pattes”.
Le livre de vente n°INV E.2009.5.136 nous apprend que l’instrument a été vendu le 17 novembre 1883 à Don Félix Bernal, résidant à Buenos Aires (1833-1910) et que sa mécanique a été transformée à ce moment-là. Ce dernier, réputé pour avoir un caractère fort et affirmé, est une figure politique importante de son temps et travaille en relation étroite avec les figures majeures du pays. En 1867, il commence sa carrière en tant que commandant et juge de paix à Mar Chiquita, près de Buenos Aires. L’année suivante, il est nommé directeur de la Banque nationale par le président Domingo Faustino Sarmiento, poste qu’il occupe jusqu’en 1874[1]. En 1878, il fait don d’un de ses terrains à la FFCC – la compagnie de chemins de fer argentins – pour la construction d’une gare en province de Buenos Aires, contribuant au développement d’une ville nouvelle alors dénommée “Bernal” – en son honneur.[2]
[1] “Félix Bernal, un porteno que promovio el desarrollo”, ElSol Patrionales Bernal, septembre 2021
[2] https://ciudaddebernal.blogspot.com/2019/12/don-felix-bernal.html
Homme de pouvoir très respecté, il est nommé Ministro de Guerra par Carlos Tejedor en 1880. Sa carrière politique ne s’arrête pas là puisqu’il devient, en 1892, président du Concejo deliberante de la Capital Federal (Conseil délibérant) puis vicepresidente del senado de la provincia (vice-président du Sénat de la province) pendant le gouvernement de Guillermo Udaondo (gouverneur de 1864 à 1898)[1]. L’une de ses villas, située dans l’actuel Barrio Parque de Bernal, est devenue l’école Don Bosco. En effet, en 1895, une école salésienne est créée en Argentine par la congrégation religieuse fondée en 1859 par saint Jean Bosco, dont la vocation est l’éducation de la jeunesse.
[1] Declarar de interes de la h. camara el centesimo aniversario de la fundacion de la localidad de Veronica, partido de punta indio, provincia de buenos aires, 23/07/2014.
Au cours du XIXème siècle, la pratique de la harpe va progressivement être abandonnée, malgré d’illustres défenseurs, tels que Nicolas Bochsa et Hector Berlioz. Un phénomène qui, d’un point de vue esthétique, a particulièrement alarmé le musicologue et compositeur Juste-Adrien de La Fage…
“Ce qui dépasse vraiment mon intelligence, c’est qu’il ne se trouve plus de femmes qui jouent de la harpe. Comment donc ont-elles renoncé à une branche si importante de la coquetterie ? […] Pour le retour de la harpe, espérons dans la coquetterie des femmes plus qu’en tout autre chose. Quant aux hommes, les femmes seules pourront les y ramener.”
Juste Adrien de La Fage, Quinze visites musicales à l’Exposition universelle de 1855, Cinquième section, 1856
Nous vous donnons rendez-vous le samedi 6 novembre 2021 pour la vente de ces trois harpes !
On Saturday 6 November 2021, during our sale of wind and plucked instruments, three remarkable harps from the 18th and 19th centuries will be auctioned. Two were made by the Holtzmans at the end of the 18th century, while the third – an unusual Erard example – was presented at the Universal Exhibition of Vienna in 1873. This provides us with an opportunity to look back on the success of the instrument in France at that time.
During the last third of the 18th century, the harp gained prominence thanks to an exceptional ambassador: Marie Antoinette. A harpist herself, the Queen quickly converted the Court to her passion, thus spreading the practice of the instrument in the highest circles. Very quickly, women appropriated the instrument, and certain aristocrats, following in the footsteps of Marie Antoinette, developed a real talent for it. This was the case of the Countess de Genlis, whose teacher was the virtuoso Georges Adam Goepfert, and who was herself depicted in a painting giving lessons to Princess Adelaide of Orleans and her daughter Paméla Brûlart de Sillery.
From then on, the instrument became a symbol of elegance and grace, so much so that many women of rank were intentionally portrayed with it.
A number of portraits attesting to this fashion for the instrument exist. This enthusiasm is also confirmed by the number of harp teachers working in Paris at the time: in 1784, there were around sixty[1]. In the last third of the 18th century, this success led to the creation of pieces written specifically for the instrument. Some made it their speciality, like the Czech musician and composer Jean-Baptiste Krumpholz (1742-1790), while others composed for the instrument more sporadically. This is the case of Mozart, who wrote a Concerto for flute and harp (K. 299 / 297ᶜ) for Mademoiselle de Guînes in April 1778.[2]
Meanwhile, makers’ workshops were developing in Paris and the harp was gaining in opulence in order to satisfy its high ranking clientele. In order to be worthy of appearing at Court, it was adorned with elaborate ornaments. It generally featured, on the crown, beautiful volutes of acanthus leaves which ended with a flourish at the neck. Its pillar was finely carved and decorated with garlands, like the superb example kept at the Musee de la musique in Paris and made by Godefroy Holtzman at the end of the 18th century. As evidenced by this instrument, the most elaborate harps had soundboards decorated with painted multicolour floral motifs and gilded carvings. A painting from 1783, made by Charles Leclercq and kept at the Palace of Versailles, depicts Madame Elisabeth playing a harp of this type.
This example, very typical of the harps present at the court of Louis XVI, is nevertheless the work of a German: Godefroy Holtzman. At the end of the 18th century, the enthusiasm for the harp and its royal patronage encouraged foreign virtuosi and makers, like the Holtzman family, to settle in Paris. Godefroy, Henry and Jean-Baptiste Holtzman – who were granted the title of master luthier respectively in 1776, 1782 and 1784 – are among the best. Some of their instruments rivalled the finest examples of the turn of the century. The two Holtzman instruments in the sale of 6 November 2021 at Vichy Enchères are proof of their exquisite craftsmanship and the quality of their work.
The first instrument, signed on the inside “Holtzman à Paris” and dated 1775, has a sumptuously carved and gilded shoulder, as well as a soundboard decorated with paintings depicting trophies with musical instruments and scenes of animated young courtiers. Finely painted, the latter were typical of the French taste for gallant scenes and are inspired by the masters of the genre, Antoine Watteau and François Boucher.
Constituting the height of refinement, the neck is painted black and dotted with naturalistic floral motifs, which can also be found all along the pillar. The floral theme is present on all the decorative elements of the harp, and is particularly developed at the base of the pillar, which is covered with carvings representing a luxurious bouquet of flowers.
The musical trophies painted on the soundboard further connect the instrument to the art of its time, since this ornamental motif inspired by ancient art was very common in the modern period. These trophies, with overhanging ribbons, are also very similar – at least in their composition – to those by the painter Jean-Baptiste Huet.
The second example for sale, signed in ink « H. Holtzman Fils à Paris” – most probably in reference to Henry Holtzman – is of a refined style typical of Louis XVI harps. It is very elaborate: its shoulder is adorned with acanthus leaves wrapped around it, laurels and flowers, enhanced with gilding and resting on an antique basin; the soundboard is, once again, covered with musical trophies, as well as rural landscapes inspired by the great masters of the time.
These two instruments were fitted with mechanics with hooks and seven pedals. This type of harp was invented in 1697 by a German maker named Hochbrücker. He imagined a system of moving hooks operated by the set of seven pedals placed at the base of the instrument, allowing greater ability to modulate sound. This is what became known as the single movement harp. It was not until the beginning of the 19th century that Sébastien Érard – the most illustrious harp maker in history – perfected the system.
In Paris, harp makers carried out various research in order to perfect the instrument, which was gradually improved through a series of innovations introduced during the last third of the 18th century and the first third of the 19th century. Certain families of makers made a significant contribution to this development, including the Cousineaus, several harps of whom Vichy Enchères has sold over the years. Around 1780, Georges Cousineau – also known as Cousineau father – “replaced the hooks, which pulled the string away from its central position – a major drawback – by an ingenious mechanism of “crutches” which could be operated while the string remained in the central pane”[1] and, in 1782, he presented a fourteen-pedal harp that could be played in all tones.
[1] Joël Dugot, “La facture de la harpe parisienne à la fin du XVIIIe siècle” dans Florence Gétreau (dir.), Instrumentistes et luthiers parisiens, XVIIe – XIXe siècles, 1988, p.149.
A second family played an important role in the development of the harp at the end of the 18th century: the Nadermans. Indeed, in 1787, Jean-Henri Naderman presented a “harp with reinforcement” to the Academy of Sciences, designed in collaboration with Jean-Baptiste Krumpholtz, “fitted with a system of expression flaps controlled by a pedal, which allowed to further effect the dynamics of the sound”[1].
The Cousineaus, as well as the Nadermans, “combined their activity of renowned makers with that of harp virtuosi and composers to develop and enrich the teaching and repertoire of the instrument. Their continued efforts gradually led to the final improvements to the instrument introduced by the Erards.”[2].
[1] Joël Dugot, “La facture de la harpe parisienne à la fin du XVIIIe siècle” dans Florence Gétreau (dir.), Instrumentistes et luthiers parisiens, XVIIe – XIXe siècles, 1988, p.149.
[2] Ibid, p.165.
“Érard, the foremost house, and the one which still has, to this day, the aura of its universal and illustrious past.”
L’Exposition universelle de Vienne : journal illustré, 1873
The house of Érard took its name from Sébastien Érard (1752-1831), a maker of harpsichords, pianos and harps. Thanks to his reputation and talent, he was introduced to the Court early on in his career. He rubbed shoulders with Louis XVI and Marie Antoinette and worked for the most prestigious patrons. In 1781, he founded his company with his older brother Jean-Baptiste and established his business in Paris in rue de Bourbon – now rue de Lille – and later at 13 rue du Mail. In 1792, the French Revolution forced him into exile in London, where he founded a piano and harp factory at 18 Great Malborough Street. He is behind many innovations and the corresponding patents, including the dual-movement harp (1808-1811) and the dual-escape piano (1822) – inventions that gave rise to the modern harp and piano. Already by the 1800s, he had invented the fork system that gave the player access to the three pitches of notes. With the double movement, Érard gave the player the ability to play the sharp and flat semitones of natural notes.
“Perfection, a thing of such rarity, had been attained by Sébastien Érard with the double-movement harp; because we do not see how the instrument could have been improved further, without changing its nature altogether.”
Exposition universelle de Paris en 1867 : documents et rapports
The greatest musicians of the time, such as Haydn, Beethoven and Liszt, played on his instruments. When he died in 1831, his nephew Pierre took over the company and perpetuated its tradition for registering patents and gaining recognition for them. From 1855, the widow of Pierre Érard and his brother-in-law M. Schaëffer took over the business and the house continued to meet with success at various exhibitions. When Schaëffer disappeared on 27 January 1873, Madame Érard entrusted the administration of the house to the maker Albert Blondel (1849-1935), who became, upon her death in 1889, director of the House of Érard (makers of pianos and harps) and the Salle Érard (a concert hall in Paris). In 1903, the house was renamed Érard – A. Blondel et Cie, successeurs.
Despite the Érard establishment only counting 5,000 harps, versus more than 130,000 pianos, in its stock when production ceased in 1959[1]], it is the former which have always been considered the best in the world. This « low » production reflected a thoughtful and meticulous making process, in sharp contrast with mass production whose only goal is profit. The house of Érard continued to produce harps throughout the years, out of tradition and to remain true to what Sébastien had started, but also out of love for the instrument. As a result, it was not with its harps that the house of Érard made its fortune. As summarised by Constant Pierre:
“The house of ÉRARD was more concerned with making excellent instruments than producing many that left something to be desired in any respect, and to achieve this, no expense was spared: any instrument that did not meet the required standard was ruthlessly destroyed; the materials were all first class and it was not cost that determined the inclusion of a mechanism over another, but indeed its qualities.”
Pierre Constant, Les facteurs d’instruments de musique: les luthiers et la facture instrumentale : précis historique, Ed. Sagot, 1893, p.173.
Its research work allowed the company to perfect the instrument, and it is no surprise that musicians favoured its instruments. The majority of harpists played on Érards, and the French Henriette Renié (1875-1956) provides a famous case in point. The relationship between the famous harpist and the house denotes the latter’s concern for musicians. Indeed, it was at Érard’s that Henriette Renié received her very first lessons, and it was at the Salle Érard that she gave her first concerts.
[1] Sylvain Blassel, About Henriette Renié, Interview with Alexandra Guiraud, 8 avril 2014
The history of the house of Érard was marked by successes and awards, to the point where it sometimes exhibited “hors concours”. At each exhibition praise was unanimous and Érard invariably won the gold medal (Paris 1819, Paris 1823, Paris 1827, Paris 1834, Paris 1839, Paris 1844, Paris 1855, Paris 1867, Paris 1878, Melbourne 1880). It is also the first manufacturer of musical instruments to be awarded the Order of the Legion-d’honneur in 1867:
“And so honour to the house of Érard! Honour in particular to its workers, and their work! They have not forgotten the oath they took on the tomb of their great leader, not to let the work degrade, and to keep around the name of Érard this aura of honour, integrity and glory with which it has been associated for almost a century. The Emperor duly rewarded the work of the house of Erard. By naming M. Schaeffer as a member of the Legion d’honneur, a personal reward for his skilful, intelligent and loyal directorship, he has granted the house of Érard a new badge of honour. »
La musique à l’Exposition universelle de 1867, Louis-Adolphe le Doulcet Pontécoulant
As indicated in Erard’s production records, which are available on the website of the Musée de la Musique in Paris, the harp in the Vichy Enchères sale of 6 November 2021 was presented at the Vienna Universal Exhibition in 1873. The production records (N ° INV E.2009.5.46) indicate that it was produced in October 1873 and was originally numbered 1757, and that it “was converted into a 47-string harp in order to be sold to M. Bernal” in 1883. It was therefore “fitted with a new mechanism bearing the number 1867”, still visible today. The records describe it as double-movement harp “n°3 / in the Greek Style – decorated with carvings and paintings (Vienna Exhibition 1873)”.
Two other harps were also presented at the Universal Exhibition in Vienna and bear the numbers 1751 and 1752. The latter one is well known since it is kept at the Musée de la Musique in Paris. Regarding the former, harp number 1751, the production records describe it simply as “Gothic harp n°2”, made in June 1873 and sold on 12 November to the Countess of Spaur for her villa in Thalgau (Austria).
As the production records indicate, these two harps – numbered 1751 and 1752 – were made in June 1873, and it is quite likely that they were exhibited at Erard’s stand before a third example joined them. This third instrument would be the one in the 6 November sale, which had only just been finished in October that year. Indeed, we know for certain that Erard’s harps had been exhibited in Vienna from August, since La Presse of 6 August 1873 stated that “all the members of the international jury admired, in Vienna, the splendid instruments of Mme Erard, her inimitable pianos, her harps, true marvels of art and elegance, and then these gentlemen carried on.” The theory that Érard first presented two harps, and then a third one from October, would explain why journalists could not seem to agree on the exact number of harps present. Le Figaro dated 29/11/1873 indicates that “there were eight instruments exhibited by the house of Érard: three large concert grand pianos, two upright pianos with diagonal strings and three harps”, whereas in L’Exposition universelle illustrée of 12/11/1873 it reads that « there are, at the Exhibition, only two examples of harps, this royal instrument« .
On this subject, Le Ménestrel of 5 October 1873 is particularly informative as it suggests that a harp would have been added during the Exhibition:
“It was only a few days ago that the house of Érard was able to send to the Vienna exhibition a model of harp with brand new improvements. This superb instrument will no longer be allowed to enter the competition, the jury having finished their deliberations and awarded the available prizes, but it will at least be appreciated by the public who visit the Exhibition: indeed, Mr. Félix Godefroid, as a faithful knight, didn’t want to let the instrument travel alone; he wanted to be present to unveil this new wonder to the Viennese world.”
This theory is all the more appealing as we find, both in the production records and in the sales register, the name « Godefroy » in association with the harp in the Vichy Enchères sale. In the sales register, Godefroy’s name appears as the purchaser of the harp; in the production records, it is included in the “professor” column (it is not unusual that “Godefroid” would have been spelled with either “y” or “id” at the end – the spelling of last names was only permanently fixed at the end of the 19th century).
This mention of Godefroid in relation to this harp is also significant because his name was not similarly mentioned in relation to the other two harps in the exhibition (1751 and 1752). Therefore, it is tempting to think that Félix Godefroid – “the greatest harpist of the musical world”[1] – played this harp, and that he went to Vienna especially to demonstrate its qualities, even if he might have also played on the other two instruments later on.
[1] Revue et Gazette Musicale de Paris, n°11, 17 mars 1850
“It really is an immense pleasure to see with which mastery and expressiveness Godefroy handles this instrument. What Liszt is for the piano and Paganini for his violin, Godefroy is for the harp. What poetic sounds he can produce! What charming harmonies he can draw from the tense strings! It is true that he is helped in this by this marvellous instrument which possesses in equal measure strength and elegance, and with which a myriad of nuances, from the most vigorous fortissimo to the most ethereal pianissimo, is easily produced.”
L’Exposition universelle de Vienne: journal illustré, 1873
Félix Godefroid (1818-1897) is behind pieces for the harp and the piano, but also masses and operas, as well as a method for learning for the harp used by several generations of harpists. Attesting to his fame, several of his portraits are kept in museums, the most famous of which was painted by Félicien Rops and rests in the Namur museum.
Once again, the instruments Erard presented at the Vienna Universal Exhibition made a big impression, as did Félix Godefroid’s improvisations:
“The news that Mr. Godefroid was yet to play today in the French section on Erard’s harps had attracted a very large crowd, who listened with contemplation to the artist’s virtuoso improvisations. The more one hears this famous virtuoso, the more one is struck by the incomparable art with which he can draw from the harp a tone both powerful and majestic at the same time.”
Le Ménestrel : Journal de Musique, le 5 octobre 1873
After many prizes, the house of Erard was classed “hors-concours” in 1873, but the instruments exhibited, in particular the harps, received much praise:
“It [the house of Érard] made significant sacrifices to preserve the art of this beautiful instrument, which, without it, would have inevitably disappeared. […] Of the three harps I saw, two were of incomparable sumptuousness and beauty, and could rightly be counted among the wonders of the Exhibition.”
Le Figaro, le 29 novembre 1873
This highest of praises remains difficult to attribute to particular instruments unfortunately. The only certainty is that the harp in the sale of 6 November 2021 has a two-in-three chance of being the one of the two referred to above… That being said, it seems very likely that it was indeed one of these instruments, and so for two reasons: firstly, because Godefroid seems to have travelled especially for it; secondly, because we do not know of other Erard harps with this style of painting on the column – whether in public or private collections, or even in iconography.
Indeed, the column of this harp has the stylistic peculiarity of being adorned – on the base and the architrave – with seven quadri riportati representing the allegories of music. These paintings, separated by gilded frames, represent young women in ancient dress, playing various instruments and wearing wreaths of flowers on their heads, like muses in Greek mythology. We think we can make out Euterpe playing the trumpet, Erato on her tambourine and even Terpsichore holding her lyre… These paintings are themselves worthy of interest; they attest to great craftsmanship and skilful execution, which is particularly noticeable in the treatment of the drapes.
By their iconography and their typically neoclassical composition, they are inspired by ancient paintings discovered in Pompeii and Herculaneum in the middle of the 18th century. True to its reputation and the excellence of its harps, the house of Érard house only worked with the best artists and craftsmen, as this instrument once again demonstrates. Finally, the soundbox attests to the particular care that was given to this harp. It is decorated with a Greek key frieze and geometric shapes on the sound holes that evoke ancient grotesques. After extensive research, we were unable to find other examples of harps with such paintings. This instrument is therefore particularly rare and refined.re et raffiné.
This elegance is also apparent in its delicately carved shapes and in its finish. This column from a Greek temple, of Corinthian order, is remarkably similar. Base, spira, torus, fluted barrel, spine, crown, etc.: everything is reproduced in great detail, down to the denticles of the cornice running along the neck.
More than a simple architectural reproduction, the column has been enriched with fanciful ornaments. The barrel has been embellished with an ornamental twist of acanthus leaves and gilded scrolls, while a fine garland of golden pearls has been carved under the crown. The feet are in the shape of lions, a characteristic feature, but less common than the “animal leg” shape.
The sales register n°INV E.2009.5.136 indicates that the instrument was sold on 17 November 1883 to Don Félix Bernal, resident in Buenos Aires (1833-1910), and that its mechanics were converted then. He had a reputation for having a strong and assertive character, was an important political figure of his time, and worked closely with the major figures of the country. In 1867, he began his career as a Commander and Justice of Peace in Mar Chiquita, near Buenos Aires. The following year he was appointed director of the National Bank by President Domingo Faustino Sarmiento, a post he held until 1874[1]. In 1878, he donated some of his land to the FFCC – the Argentine railway company – for the construction of a station in the province of Buenos Aires, contributing to the development of a new town called “Bernal”, in his honour.[2]
[1] “Félix Bernal, un porteno que promovio el desarrollo”, ElSol Patrionales Bernal, septembre 2021
[2] https://ciudaddebernal.blogspot.com/2019/12/don-felix-bernal.html
He was a very respected and powerful man, and was appointed Ministro de Guerra by Carlos Tejedor in 1880. His political career did not end there, as he became, in 1892, president of the Concejo deliberante de la Capital Federal (deliberative council of the federal capital) and then vicepresidente del senado de la provincia (vice-president of the provincial Senate) during the government of Guillermo Udaondo (governor from 1864 to 1898)[1]. One of his villas, located in the current Barrio Parque de Bernal, has become the Don Bosco School. Indeed, in 1895, a Salesian school was created in Argentina by the religious congregation founded in 1859 by Saint John Bosco, whose vocation was the education of young people.
[1] Declarar de interes de la h. camara el centesimo aniversario de la fundacion de la localidad de Veronica, partido de punta indio, provincia de buenos aires, 23/07/2014.
During the 19th century, the practice of the harp was gradually abandoned, despite some illustrious supporters, such as Nicolas Bochsa and Hector Berlioz. This trend alarmed, in particular, the musicologist and composer Juste-Adrien de La Fage, from an aesthetic point of view:
“What is really beyond me is why women no longer play the harp. How is it that they gave up such an important aspect of their feminine appeal? […] The return of the harp rests on women’s concern about their femininity more than anything else. As for the men, only women will be able to bring them back to it.”
Juste Adrien de La Fage, Fifteen musical visits to the Universal Exhibition of 1855, Fifth section, 1856
We look forward to seeing you on Saturday 6 November 2021 for the sale of these three harps.