Vichy Enchères

Des archives personnelles et le sceau de Tulou conservés avec une flûte ayant certainement appartenu au musicien

Fabriquée dans un exceptionnel bois exotique, un matériau à la fois rare et précieux, une énigmatique flûte Tulou sera présentée à Vichy Enchères le 9 novembre 2024. Elle était en effet précieusement conservée dans son étui d’origine, avec le sceau de Tulou et un ensemble d’archives personnelles couvrant l’ensemble de la carrière du grand musicien – de son premier prix au Conservatoire à sa prise de retraite. L’instrument a certainement été réalisé durant la période d’association de Tulou avec Gautrot (à partir de 1853), comme l’indiquent ses poinçons et sa marque. Ces matériaux remarquables et peu courants dans la production de Tulou, combinés au système préféré du flûtiste, celui à cinq clés, sont autant d’éléments laissant à penser qu’il s’agissait de sa flûte personnelle. Il est donc fort probable que l’instrument ait été réalisé entre 1853 et avant 1859, date de retraite de Tulou. Les archives inédites et le sceau conservés avec la flûte sont à eux-seuls dignes d’intérêt, puisqu’ils permettent de redécouvrir et d’approfondir certains aspects de la vie de cette personnalité majeure de l’histoire de la musique.


Le musicien virtuose

Origines familiales

Jean-Louis Tulou est né le 11 septembre 1786 à Paris et s’est éteint à Nantes le 24 juillet 1865. Son père, Louis-Prosper Tulou, parfois appelé Jean-Pierre dans les anciens registres, était bassoniste à l’Opéra de Paris et professeur au Conservatoire. Également flûtiste, Louis-Prosper est quelquefois confondu avec son fils Jean-Louis-  ce dernier ayant suivi les pas de son père dans ces mêmes institutions.

Selon François-Joseph Fétis, la famille Tulou était liée au monde de la musique depuis déjà plusieurs générations-  Louis-Prosper Tulou étant le « fils d’un choriste de l’Opéra, issu d’une famille attachée à ce spectacle depuis le commencement du XVIIIe siècle »[1]. La branche Tulou comprend effectivement une autre figure notable, en la personne de Madeleine Tulou-Blanc, musicienne de la Chambre du roi et chanteuse, qui a eu une carrière importante à l’Opéra de Paris et à Lyon.

Louis-Prosper étudia le basson avec Pierre Cugnier et fut bassoniste de la Musique du Roi de 1780 à environ 1792, jouant notamment à l’Opéra et avec la Garde nationale.

En 1795, il fut nommé professeur au Conservatoire de Paris, où il enseigna le basson jusqu’à sa mort en 1799[2]. Sa carrière fut marquée d’interruptions et sujette à confusions, notamment en ce qui concerne son passage de bassoniste à flûtiste. En dehors de ses fonctions officielles de musicien, Louis-Prosper composa plusieurs œuvres pour basson. Il est décédé dans une maison située à Paris, rue Basse-Porte-Denis. Son inventaire après décès révèle des biens et une situation financière modestes, laissant plusieurs dettes à sa famille[3].


[1] F.-J. Fétis,  Biographie universelle des musiciens et Bibliographie générale de la Musique

[2]Le Conservatoire national de musique et de déclamation, documents historiques et administratifs, professeurs

[3] Michelle Tellier, Jean-Louis Tulou : flûtiste, professeur, facteur, compositeur, CNSM, 1981

Jean-Louis Tulou, les débuts de musicien

Jean-Louis Tulou, alors le seul héritier, dut à ce titre faire face à cette succession délicate.

Notre homme est décrit par Dantan comme un jeune prodige à la fois talentueux et insaisissable. Baptisé le lendemain de sa naissance à la paroisse Saint-Sulpice, il eut pour parrain Jean Perret, contrebassiste à l’Opéra-Comique, et pour marraine Louise Marguerite Bailly, sa tante maternelle.

La famille Tulou résidait d’abord à l’hôtel de Villeroi, rue de l’Université, avant de déménager en 1793 rue de la Magdeleine, aujourd’hui rue Legoff, puis rue Basse, près de l’Opéra et du Conservatoire. Jean-Louis Tulou passa ses jeunes années bercé par la musique, souvent en compagnie de Schneitzhoffer, musicien de l’Opéra, qui lui recommanda d’apprendre la flûte. Encouragé par ce dernier et par son père, Tulou entrera au Conservatoire le 8 novembre 1796.

Sous la direction de Johann Georg Wunderlich, il se distingue rapidement et obtient, dès l’an VII (1799) le deuxième prix de flûte au concours du Conservatoire. L’année suivante, en l’an VIII (1800), il reçoit à nouveau le deuxième prix-  le jury craignant de donner le premier prix à un aussi jeune musicien.

La vente Vichy Enchères du 9 novembre 2024 présente les documents officiels et inédits décernant ces deux prix à Tulou, signés par Bernard Sarrette – le fondateur de la mythique institution. Précisons que Tulou conservait précieusement ces documents avec son sceau et la flûte en bois exotique de la vente du 9 novembre 2024.

En 1801, le talent de Tulou est tel que, bien qu’il n’est âgé que de quinze ans, il remporte le premier prix de flûte du Conservatoire-  se distinguant ainsi parmi ses rivaux. Lors de la distribution des prix, il a l’honneur de jouer devant Napoléon Bonaparte qui l’applaudit et le félicite personnellement[1].


[1] Michelle Tellier, Jean-Louis Tulou : flûtiste, professeur, facteur, compositeur, CNSM, 1981

“Bonaparte présidait l’assemblée. Lorsque Tulou eut joué son morceau, le grand homme l’applaudit beaucoup et tendant les bras vers l’enfant pour l’approcher de son estrade, il l’embrassa sur les deux joues.”

H. Bertini, Encyclopédie pittoresque de la musique, Paris, 1835, cité dans M. Tellier Jean-Louis Tulou : flûtiste, professeur, facteur, compositeur, CNSM, 1981

Cette reconnaissance inestimable marque le début d’une carrière hors normes pour le jeune flûtiste.

Le Théâtre-Italien et la Chapelle impériale (1804 – 1814)

Trois ans après cette consécration au Conservatoire, Tulou intègre le prestigieux orchestre du Théâtre-Italien en 1804, en tant que flûtiste, où il partage le pupitre avec Joseph Guillou, son rival. Il quitte son poste en 1813, pour remplacer son maître Wunderlich à l’Opéra de Paris, à compter du 1er juillet.[1]

En parallèle, il est également musicien de la Chapelle impériale, où il émarge en septembre 1805 (an XIV)[2]. Cette distinction était réservée aux meilleurs musiciens de l’époque. La Chapelle impériale, chargée de jouer lors des messes, opéras, concerts et bals de la Cour, occupait une place centrale dans la vie musicale du régime. Tulou y a non seulement joué lors des cérémonies religieuses, mais aussi lors de réceptions prestigieuses données à Fontainebleau, Compiègne ou encore aux Tuileries. Il a également suivi l’empereur dans certains de ses déplacements, tels que lors d’un voyage aux Pays-Bas, afin d’exécuter une messe à la Chapelle royale d’Amsterdam. Ces déplacements témoignent de la mobilité des musiciens de la Cour et du prestige de leur statut.

L’une des archives personnelles de Tulou accompagnant la flûte de la vente du 9 novembre 2024 offre un témoignage tangible de l’engagement du musicien auprès de la Maison de l’Empereur. Signé par le Grand Chambellan de Napoléon Bonaparte, Pierre de Montesquiou-Fezensac Comte de Montesquiou, ce document daté du 5 octobre 1813 nomme en effet Tulou en tant que “Flute de la Musique de l’Empereur” (voir archive en vente).


[1] Le Conservatoire national de musique et de déclamation, documents historiques et administratifs, professeurs

[2] Michelle Tellier, Jean-Louis Tulou : flûtiste, professeur, facteur, compositeur, CNSM, 1981

Des archives offrant un nouveau regard sur l’activité de Tulou à la Chapelle royale

En raison de son attachement à l’Empire et de ses opinions bonapartistes, on pourrait croire que Tulou aurait été écarté de la Chapelle royale après la Restauration en 1814. Néanmoins, il n’en fut rien, comme en atteste l’ensemble inédit d’archives personnelles du musicien méticuleusement conservé avec la flûte de la vente Vichy Enchères. Cet ensemble présente notamment une lettre du Premier Gentilhomme de la Chambre du Roi, le Duc de Fleury, en date du 27 décembre 1814-  soit huit mois seulement après que Louis XVIII ne se soit proclamé roi. Cette lettre officialise la place de Jean-Louis Tulou en tant que première flûte de la Chapelle, à compter du 1er janvier 1815, à condition qu’il assure le service de la Chapelle et les concerts de la Cour.

Tulou avait également reçu, une dizaine de jours plus tôt, la décoration de la Fleur de Lys, telle qu’elle était accordée à la Garde nationale, en récompense pour sa participation à la défense de Paris dans la plaine de Clichy le 30 mars 1814. Donnée le 16 décembre 1814, après la Restauration d’avril, cette récompense fut décrétée et signée par Charles Philippe de France, futur Charles X (règne : 1824-1830), alors prince colonel général des Gardes nationales. 

Sous la Restauration, Tulou semble avoir été attaché au corps instrumental de la Garde nationale, probablement en raison de sa place dans la Chapelle royale ou en lien avec son activité de professeur au Conservatoire.

Bien qu’il s’exile en Angleterre entre 1821 et 1822, il est à son retour à Paris nommé première flûte dans la Musique de la Chapelle du roi Charles X, à compter du 1er janvier 1826-  comme le stipule la lettre officielle du 12 mai 1827 signée par le duc de Damas, Premier Gentilhomme de la Chambre du roi. Cette archive inédite faisait également partie des documents personnels de Tulou conservés avec la flûte en bois exotique (voir archive).

En outre, cet ensemble de documents nous apporte la preuve que Tulou, comme l’envisageait Michelle Tellier dans sa thèse[1], fut également nommé première flûte de la Musique Particulière du roi, à partir du 1er janvier 1828.


[1] “Toutefois, nous sommes certains que lors de sa réintégration à la Chapelle en 1826-1827, Tulou fut invité à participer également à la musique particulière du Roi, qui comptait dix-neuf musiciens” dans Michelle Tellier, Jean-Louis Tulou : flûtiste, professeur, facteur, compositeur, CNSM, 1981

Tulou joua donc un rôle central dans la vie musicale de la Cour jusqu’en 1830-  en témoigne encore son brevet de chevalier de l’Ordre royal de la Légion d’honneur, reçu le 27 mars 1830, pour son titre de flûte solo à l’Académie royale de musique[1], musicien de la Chambre et de la Chapelle du roi.

Notons enfin que sous la Monarchie de Juillet (1830-1848), Tulou apparaît dans la liste des musiciens de la Chapelle au moins jusqu’en 1846[2].


[1] Voir Archives Nationales, O/3/811-O/3/842

[2]  Michelle Tellier, Jean-Louis Tulou : flûtiste, professeur, facteur, compositeur, CNSM, 1981

Le sceau personnel de Tulou

Outre ces archives exceptionnelles sur la vie de Tulou, cette flûte en bois exotique était conservée avec le sceau personnel du musicien, réalisé par le graveur de médailles J.F. Baduel.

Ce sceau est particulièrement intéressant car il s’agit d’une pièce rare de grande valeur patrimoniale, qui nous livre un témoignage sur la vie de Tulou et nous confirme certains faits.    

En l’occurrence, ce sceau atteste du statut important du flûtiste en tant que musicien de la Chapelle du roi. Il figure en effet la médaille de la Légion d’honneur décernée par Charles X juste avant la Monarchie de Juillet (dont il vient d’être question au paragraphe précédent). Le sceau est composé d’un écu d’azur chargé du chiffre de Tulou, le T, coiffé d’un heaume à lambrequins réservé aux officiers de la Couronne. Sur la pointe de l’écu sont accrochées l’étoile de la Légion d’honneur à cinq rayons doubles, entourée de la couronne de lauriers et surmontée de la couronne royale. 

Exil en Angleterre et retour en France (1821 – 1827)

Pour dresser un panorama exhaustif de la carrière de Tulou, il faut revenir un instant aux années 1820. Elles furent en effet marquées par des tensions croissantes avec l’administration de l’Opéra. Les différends étaient principalement d’ordre financier car Tulou, qui jouissait d’une grande réputation, se sentit sous-rémunéré par rapport à ses responsabilités et à son talent. En février 1821, il avait alors adressé une lettre à la direction de l’Opéra pour protester contre le non-respect des conditions salariales qui lui avaient été promises[1]. Sa demande resta sans réponse, et l’insatisfaction de Tulou atteignit son paroxysme.

En août 1821, il démissionna déclarant son intention de quitter la France pour poursuivre sa carrière à l’étranger. Il s’installa alors à Londres, espérant y trouver une reconnaissance à la hauteur de son talent. Cependant, cette tentative d’établir sa carrière en Angleterre ne se déroula pas comme prévu et, malgré quelques concerts, Tulou ne parvint pas à s’imposer. Le public anglais fut déstabilisé par son style de jeu et ses compositions soulevèrent des critiques mitigées. Cette période d’exil volontaire se révéla donc décevante pour Tulou, tant sur le plan artistique que financier. Ses espoirs d’une carrière internationale florissante s’effondrèrent, et il se vit contraint de revenir en France.


[1]  Michelle Tellier, Jean-Louis Tulou : flûtiste, professeur, facteur, compositeur, CNSM, 1981

Il revint à Paris en 1822. Dès son retour, il entreprit de regagner sa place à l’Opéra, mais sa demande fut initialement refusée. Durant cette période, il continua néanmoins à se produire, notamment au Théâtre-Italien (1824-1827), participant à plusieurs concerts prestigieux. Il commença également à donner des leçons privées, poursuivant ainsi son activité d’enseignement, qui devint une source de revenus importante. En 1824, il déménagea à plusieurs reprises dans différents quartiers de Paris, notamment au 21 rue Buffault, puis au 17 de la même rue en 1826. Ces changements d’adresse témoignent d’une certaine instabilité financière et personnelle.

Enfin, le 1er octobre 1827, après plusieurs années de négociations, Tulou fut finalement réintégré à l’Opéra en tant que première flûte. Il dut toutefois partager ce poste avec son rival de longue date, Guillou. Cette collaboration contrainte généra des tensions entre les deux hommes. Malgré cela, Tulou parvint à maintenir sa place à l’Opéra, où il continua de se produire avec succès.

Durant cette période, il reprit également la composition et continua de s’impliquer dans la vie musicale parisienne, jouant notamment aux Concerts Spirituels, où son talent fut toujours salué.

Période de réintégration à l’Opéra et contributions musicales (1827 – 1856)

Durant sa période à l’Opéra (1827-1856), Tulou habite successivement au 8, puis au 13 rue Bleue à Paris (en 1828)[1], avant de s’installer au 27 rue des Martyrs en 1832, où il ouvre un atelier de fabrication de flûtes en collaboration avec Jacques Nonon (voir deuxième partie).


[1]   Michelle Tellier, Jean-Louis Tulou : flûtiste, professeur, facteur, compositeur, CNSM, 1981

Les archives du Conservatoire nous précisent qu’il fut professeur de flûte jusqu’au 10 janvier 1860[1]. Parmi les documents personnels de Tulou qui accompagnent la flûte de la vente du 9 novembre 2024, se trouve justement l’arrêté relatif aux droits à la retraite de Tulou, à compter du 31 décembre 1859. 

En tant que professeur, Tulou influença profondément l’enseignement de la flûte en France et développa une méthode rigoureuse qui fut adoptée par le Conservatoire (voir deuxième partie).


[1] Archives de l’École royale de chant, de l’École royale dramatique, de l’École royale de musique et de déclamation, des conservatoires impériaux, nationaux ou royaux de musique ou de musique et de déclamation (1784-1925) Répertoire (AJ/37/1-AJ/37/375)

Décorations

Au cours de sa vie, Jean-Louis Tulou fut maintes fois récompensé, que ce soit en tant que musicien, facteur ou patriote. Les archives conservées avec la flûte en bois exotique comptent un grand nombre de décorations. Outre les prix déjà mentionnés, on trouve notamment le document officiel décernant la médaille d’honneur distinguée aux citoyens pour “leur dévouement à la cause de la liberté dans la révolution de Juillet 1830”. Sur parchemin, celui-ci est signé par le roi des Français, Louis-Philippe.

En 1851, Tulou participe à l’Exposition universelle de Londres qui eut lieu du 1er mai au 15 octobre au Crystal Palace. A cette occasion, il présente une flûte perfectionnée et obtient la mention honorable[1]. A la clôture de l’évènement, il est à nouveau comblé d’honneurs, comme en témoignent plusieurs archives de cet ensemble.


[1] Catalogue officiel de la grande Exposition des produits de l’industrie de toutes les nations, 1851

Dès le 15 octobre, il reçoit du roi des Belges, Léopold 1er, le titre de chevalier de l’Ordre de Léopold (voir archive en vente). A cette occasion, Tulou compose pour le roi ce qui est probablement la seule œuvre orchestrale de sa production. Les archives de ce corpus contiennent également l’autorisation du Président de la République accordant à Tulou le droit de porter la décoration conférée par Léopold 1er, et la lettre du Grand Chancelier renvoyant le diplôme original que Tulou avait déposé dans l’attente de l’accord.

Suite à sa participation à l’exposition de 1851, Tulou est aussi nommé chevalier de l’Ordre de la Couronne de Chêne par Guillaume III, roi des Pays-Bas, le 23 octobre (voir archives en vente) – confirmant son succès à l’internationale.

La retraite à Nantes et la fin de vie (1860 – 1865)

En 1860, après une longue carrière, Jean-Louis Tulou prend sa retraite et quitte Paris pour s’installer à Nantes. Ce déménagement est en partie motivé par son désir de se rapprocher de sa famille, particulièrement de son fils Louis marié à une Nantaise.

À Nantes, il mène une vie plus calme, mais reste actif dans la vie musicale locale. Il participe à des concerts organisés par la Société des Beaux-Arts et se lie d’amitié avec d’anciens élèves. Il continue également de composer (voir archive personnelle en vente), bien qu’il se retire progressivement de la scène musicale parisienne.

Jean-Louis Tulou s’éteint le 23 juillet 1865 à Nantes, laissant derrière lui un héritage considérable en tant que flûtiste virtuose, professeur éminent et facteur d’instruments, comme nous allons l’aborder à présent.

Le facteur d’instruments

Les premières associations

Parallèlement à sa carrière de musicien et de professeur, Jean-Louis Tulou s’intéressa à la fabrication d’instruments.

On ne sait pas précisément quand il décida de se tourner vers la facture, mais son nom apparaît dans l’Almanach de 1820 associé à celui de Bellissent, “facteur de flûte de l’école royale de musique, et de M. Tulou, première flûte à l’Opéra”[1]. Il réfléchissait donc, au moins dès 1820, à la manière de perfectionner les flûtes. En 1830, l’Almanach mentionnait cette fois-ci trois fournisseurs de Tulou, à savoir Bellissent, Godfroy Aîné et Godfroy jeune[2]. A ce propos, la revue La France Musicale de 1855 nous éclaire sur les relations de Tulou avec ces facteurs :

“Un peu plus tard, ayant découvert un ouvrier intelligent, nommé Godefroy, il [Tulou] lui donna sa flûte pour modèle, essaya ses instruments, et lui prodigua les plus sages conseils. Tous deux parvinrent à corriger les défauts de justesse qu’on rencontrait trop souvent sur les flûtes de cette époque. Il suffisait à Tulou de patronner un facteur pour lui assurer une clientèle. […] C’est alors que Tulou conçut l’idée de monter lui-même un atelier. La première flûte qu’il construisit fut trouvée parfaite en tous points ; chacun voulut en avoir une semblable. Et c’est ainsi que, de succès en succès, de commandes en commandes, l’éminent artiste devint fabricant.”

La Revue musicale, 1855


[1] L’Almanach du commerce de Paris, des départements de la France et des principales villes du monde, en 1820, 399

[2] René Pierre, Jacques Nonon, facteur de flûtes et de hautbois, dans l’ombre du grand Tulou, dans Larigot n°58, p.25

D’après un formulaire rempli par Tulou à l’occasion de l’Exposition de Paris de 1839, ce dernier commença à fabriquer des instruments en 1828, 18 rue Bleue[1]. Son nom apparaît pour la première fois dans la liste des fournisseurs d’instruments du Conservatoire en 1831-  l’année de son association avec Jacques Nonon, qui devint son contremaître. En effet, la rencontre décisive dans sa carrière de facteur est certainement celle de Jacques Nonon, en 1828, qui lui présente une flûte à six clés en argent[2].

L’une des principales motivations ayant conduit Tulou à monter son atelier était certainement celle de s’assurer des revenus complémentaires, notamment après sa période difficile en Angleterre suite à sa démission de l’Opéra et alors que Guillou, son rival, avait été choisi à sa place en tant que professeur au Conservatoire.


[1] Tula Giannini, Great Flute Makers of France, The Lot and Godfroy families, 1650 – 1900, Tony Bingham, 1993

[2] René Pierre, Jacques Nonon, facteur de flûtes et de hautbois, dans l’ombre du grand Tulou, dans Larigot n°58, p.25

Les flûtes de la période Tulou-Nonon (1831-1853)

On trouve l’une des premières mentions de Tulou, en tant que fabricant de flûte, dans le catalogue de l’Exposition nationale de Paris de 1834 :

“Il appartenait à un professeur dont la longue expérience et le talent fini avaient su apprécier toutes ces imperfections, de faire les recherches nécessaires sur les moyens propres à obvier à d’aussi graves inconvénients. M. Tulou a donc entrepris cette tâche dans l’espoir qu’il pourrait faciliter les progrès des amateurs en leur offrant des instruments dont ils n’auraient pas à combattre sans cesse les défauts”

La Revue Musicale, 1831, cité dans René Pierre, Jacques Nonon, facteur de flûtes et de hautbois, dans l’ombre du grand Tulou, dans Larigot n°58, p.27

Le cadastre de Paris nous apprend que Tulou et Nonon étaient établis s’installer au 27 rue des Martyrs en 1832. Les flûtes de l’atelier Tulou-Nonon étaient souvent fabriquées en bois précieux et agrémentées de bagues en métal, généralement en argent. Comme on peut le lire dans le Larigot n°58[1], Tulou préconisait le système des anneaux pour ajuster la tonalité, un système qui aurait été inventé par Jacques Nonon.

Ces instruments sont identifiables à leurs poinçons, relevés dans le Dictionnaire des poinçons d’or et d’argent[2] de René Pierre. Les clefs portent le poinçon du clétier principale de l’époque, N.P. Belorgey. Ce poinçon, en forme de losange, est vertical pour la période de 1833 à 1843, puis horizontal de 1843 à 1853-  bien que l’on observe des exceptions. Les instruments présentent également des poinçons de garantie, à savoir le lièvre (1819-1838) et le sanglier (après 1838 et 1853)[3]. Les flûtes de cette époque portent déjà la marque au rossignol.


[1] René Pierre, Jacques Nonon, facteur de flûtes et de hautbois, dans l’ombre du grand Tulou, dans Larigot n°58, p.29

[2] René Pierre, Dictionnaire des poinçons d’or et d’argent relevés sur les instruments de musique à vent français et belges du XIXe au XXe, Larigot spécial n°XXX, pp.124-125

[3] René Pierre, Dictionnaire des poinçons d’or et d’argent relevés sur les instruments de musique à vent français et belges du XIXe au XXe, Larigot spécial n°XXX, pp.124-125

L’association Tulou et Nonon dura 22 ans et prit fin en 1853. Nonon adopta par la suite la marque de la clef de sol, que l’on retrouve sur une flûte Boehm témoignant de l’intérêt du facteur pour ce système-  un intérêt peut-être à l’origine de la rupture avec Tulou.[1] En réalité, il semblerait que le conflit ait été plus sérieux car Tulou attaqua Nonon devant le tribunal de commerce en 1853, pour concurrence déloyale, et que Nonon affirma en 1854 être le seul à posséder “les perces et les outils indispensables pour atteindre le degré d’une plus haute perfection”[2].

Quoi qu’il en soit, Tulou et Nonon fabriquèrent ensemble des flûtes essentiellement à cinq et six clefs, régulièrement récompensées lors des expositions de Paris de 1834, 1839, 1844, 1849, 1855, et à celle de Londres en 1851. Au départ de Nonon en 1853, Tulou continua de produire des flûtes dans son atelier, et s’associa à Pierre Louis Gautrot.


[1] Tula Giannini, Great Flute Makers of France, The Lot and Godfroy families, 1650 – 1900, Tony Bingham, 1993

[2] René Pierre, Jacques Nonon, facteur de flûtes et de hautbois, dans l’ombre du grand Tulou, dans Larigot n°58, p 35.

Une flûte de la période Tulou-Gautrot
ayant certainement appartenu au célèbre musicien

Après cette séparation avec Nonon, Tulou fabriqua ses flûtes et hautbois dans l’atelier de Pierre Louis Gautrot (1812-1881). Il travailla avec lui jusqu’à sa retraite fin 1859. Après cette date, Gautrot continua d’apposer la marque de Tulou sur les instruments, et ce dernier continua de tester les modèles jusqu’à sa mort en 1865[1].

La flûte de la vente Vichy Enchères du 9 novembre 2024 a probablement été réalisée à cette période, comme le suggèrent le type de dessin du rossignol et les poinçons d’argent. En effet, à partir de l’association de Tulou avec Gautrot (1853), les instruments furent insculpés de poinçon en losange de P. L. Gautrot, ainsi que du poinçon de garantie à tête de sanglier, que l’on retrouve sur ce modèle[2]. Bien que la flûte ne soit pas numérotée et qu’elle ne puisse pas être datée avec certitude, le dessin du rossignol indique une date de fabrication se situant avant le décès de Tulou en 1865. En effet, après la mort du musicien, la marque revint à la Maison Gautrot – qui deviendra Couesnon & Cie en 1882 – et le dessin du rossignol fut quelque peu modifié.

Par ailleurs, cette flûte est encore à cinq clés, ce qui tend à penser qu’elle a été réalisée assez tôt dans le siècle. De plus, elle était accompagnée d’un ensemble d’archives appartenant à Jean-Louis Tulou, ainsi que de son sceau. Il est donc fort probable que l’instrument ait appartenu à Tulou, ce qui accrédite l’hypothèse selon laquelle la flûte aurait été réalisée entre 1853 et 1859, puisque Tulou n’était pas encore à la retraite. Son exceptionnel bois exotique, peu courant dans la production de Tulou, combiné au système préféré du flûtiste, celui à cinq clés, sont autant d’éléments laissant à penser qu’il s’agissait de sa flûte personnelle. Ce dernier jouait en effet principalement sur des modèles à quatre ou cinq clés.    


[1] Catalogue général de l’Exposition nationale des produits de l’industrie française, Paris, 1834, p 135

[2] René Pierre, Dictionnaire des poinçons d’or et d’argent relevés sur les instruments de musique à vent français et belges du XIXe au XXe, Larigot spécial n°XXX, p 125

Opposition à la flûte Boehm

“Tulou, virtuose renommé à juste titre […] avait joué, pendant tout le temps de ses brillants succès, l’ancienne flûte, dont il corrigeait les défauts de justesse et les inégalités par son talent […] il se montra jusqu’à ses derniers jours l’adversaire de la flûte nouvelle.”

Rapports du jury international de l’Exposition universelle de Paris de 1867, p 277

En 1839, la flûte Boehm, conçue par Theobald Boehm, semblait sur le point d’être généralement adoptée en France, après avoir été bien accueillie à l’Exposition de Paris. Cependant, son adoption au Conservatoire de Paris restait encore incertain. C’est dans ce contexte que Victor Coche demanda, en décembre 1839, à la commission de l’enseignement, de se réunir pour étudier sa demande de création d’une classe spéciale pour la flûte Boehm-  se heurtant directement à Jean-Louis Tulou, alors professeur et fervent opposant du nouvel instrument.

Tulou, qui défendait la flûte traditionnelle, était lui-même en train d’élaborer une nouvelle flûte, la “flûte perfectionnée”, qu’il s’apprêtait à introduire sur le marché. Lors de la première réunion de la commission du Conservatoire en décembre 1839, trois flûtes furent entendues-  à savoir deux versions de la flûte Boehm par Godfroy & Lot et par Buffet jeune, et une flûte de Tulou[1]. Ce dernier parvint à convaincre que la flûte Boehm ne devait pas encore être enseignée.


[1] Tula Giannini, Great Flute Makers of France, The Lot and Godfroy families, 1650 – 1900, Tony Bingham, 1993

Tulou resta toute sa vie fermement opposé à cette innovation et attaché aux modèles traditionnels de flûtes, voyant en la flûte Boehm une menace pour le style et la technique de jeu de l’instrument. Il critiquait notamment la perte de richesse sonore et de sensibilité d’interprétation, ainsi que la complexité du nouveau doigté engendrés par l’usage de cette flûte.

Toutefois, la flûte Boehm continua à gagner du terrain. Boehm reçut la médaille d’honneur à l’exposition universelle de 1855 et la flûte fut finalement adoptée au Conservatoire de Paris en 1860, après le départ à la retraite de Tulou.

Les controverses autour de la datation de la flûte perfectionnée

En 1851, à l’âge de 65 ans, Tulou publia une méthode de flûte et présenta officiellement sa flûte perfectionnée. Il travaillait sur cette méthode depuis probablement une vingtaine d’années, comme il l’écrit à l’éditeur milanais Ricordi, à qui il demande de publier une version italienne[1].

Selon Tulou, Boehm “a négligé deux points essentiels, à savoir la conservation du son et la simplicité du doigté ordinaire. […] Il est d’une importance fondamentale de conserver à chaque instrument la différence de timbre qui lui est propre ; car c’est cette différence même qui constitue en grande partie le charme de la musique.[2]

Tulou travailla certainement avec Nonon sur cette flûte car, dès 1834, alors qu’il était associé à ce dernier, ces perfectionnements étaient évoqués dans le catalogue de l’Exposition nationale de Paris :

“Il [Tulou] construit des flûtes d’après un nouveau système, qui a pour but de faire disparaitre l’inconvénient des corps de rechange et surtout celui de la pompe.
Voici en quoi consiste ce perfectionnement : Les flûtes-Tulou percées avec le plus grand soin et d’après les meilleures proportions, peuvent-être baissées à volonté par le moyen d’anneaux dont l’usage est aussi utile que commode.[…] M. Tulou s’est attaché à trouver des formes simples et élégantes dans les clefs, et surtout à en diminuer le volume”.

Catalogue général de l’Exposition nationale des produits de l’industrie française, Paris, 1834, p 134.


[2] Jean-Louis Tulou, Méthode de flûte, progressive et raisonnée adoptée par le Comité d’enseignement du Conservatoire de musique, 1851

La date exacte d’introduction de la flûte perfectionnée fait l’objet de débats parmi les historiens. Selon Michelle Tellier, auteur de la thèse de référence sur Tulou, elle aurait été présentée en 1851, car elle est mentionnée pour la première fois dans la méthode de flûte publiée cette année-là par Tulou. Cependant, la date exacte de publication de cette méthode est, elle aussi, incertaine, ce qui rend l’hypothèse fragile. Tula Giannini, dans son ouvrage Great Flute Makers of France, soutient que la flûte perfectionnée a été développée autour de 1840 et présentée dans une méthode publiée vers 1842. Cette interprétation repose sur l’examen d’archives. Giannini indique notamment que la méthode de flûte de Tulou est déjà mentionnée par George Kastner dans son traité d’instrumentation de 1836, faisant référence à une première publication en 1835.

De plus, une édition ultérieure, adoptée par le Conservatoire vers 1842, comprendrait une introduction incluant des informations sur la flûte avec pied en ut, ainsi qu’un tableau des doigtés pour la “flûte perfectionnée”. D’autres documents, comme une lettre d’Auber en 1842, feraient quant à eux référence à une méthode de Tulou officiellement adoptée par le Conservatoire à cette date. Enfin, une autre lettre, datée de 1845, évoquerait son utilisation dans les classes du Conservatoire-  autant d’éléments soutenant l’hypothèse d’une introduction de la “flûte perfectionnée” au début des années 1840[1].


[1] Tula Giannini, Great Flute Makers of France, The Lot and Godfroy families, 1650 – 1900, Tony Bingham, 1993

La Flûte Perfectionnée de Tulou

Toujours est-il que Tulou développa, disons vers 1840-1850, un modèle perfectionné de flûte décrit dans sa méthode parue en 1851. L’une des innovations majeures de Tulou fut l’introduction de la « clef de Fa dièse », une amélioration technique supposée faciliter certains doigtés complexes et améliorer la sonorité.

“En ajoutant la clef de FA naturel au FA#, il est inutile de conserver la clef de Mib, cette clef n’a pas d’influence sur cette note et le doigté devient plus facile. […] J’ai ajouté une petite clef qui sert à hausser le FA# et qui donne à cette note toute la justesse désirable”

Jean-Louis Tulou, Méthode de flûte, progressive et raisonnée adoptée par le Comité d’enseignement du Conservatoire de musique, 1851

Doté de dix clés de base, auxquelles s’ajoutent la « clef de Fa dièse » et une double clef d’Ut, l’instrument appelé « flûte perfectionnée » ou « flûte Tulou », compte au total douze clés, offrant une maniabilité accrue tout en conservant les qualités acoustiques jugées essentielles à l’interprétation expressive.

Au sujet de la Méthode de flûte progressive et raisonnée publiée par Tulou en 1851, “le Comité, reconnaissant le mérite et l’utilité de cet ouvrage, [adopta] la Méthode de Mr. Tulou pour servir à l’enseignement au Conservatoire.”

En 1855, on pouvait lire dans La France Musicale, à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris où Tulou exposait une flûte perfectionnée :

“M. Tulou expose notamment une flûte, construite d’après son nouveau système, à laquelle il serait difficile, pour ne pas dire impossible, de trouver le plus léger défaut de sonorité ou de justesse : elle est tellement perfectionnée qu’elle permet d’exécuter avec facilité les traits les plus compliqués de la musique moderne. Or, si l’on songe à l’état d’infériorité où se trouvait l’ancienne flûte, sous le rapport de la facilité d’émission et de la sonorité sur toutes les notes, on avouera que c’est là un véritable progrès ; ajoutons qu’on le doit uniquement à Tulou.”

La France Musicale, 1855

La flûte Tulou fut par la suite fabriquée par plusieurs facteurs jusque dans les années 1930, tels que Buffet Jeune, Martin, Thibouville et, bien entendu, Gautrot puis Couesnon[2].

Bien que Tulou ait contribué à l’augmentation du nombre de clefs avec son modèle perfectionné, son attitude à l’égard des clefs multiples resta paradoxale. Il demeura en effet personnellement opposé à cette évolution, critiquant la multiplication des clefs, y compris celles de son propre modèle. Il privilégia toujours une approche plus traditionnelle de l’instrument, que ce soit dans son jeu ou dans sa facture, préférant des modèles un cinq clefs à l’image de la flûte Vichy Enchères du 9 novembre 2024-  certainement son instrument personnel.


[2] René Pierre, Jacques Nonon, facteur de flûtes et de hautbois, dans l’ombre du grand Tulou, dans Larigot n°58, p 39.

Réalisée dans un exceptionnel bois exotique, un matériau rare et de grande qualité, cette flûte est ainsi particulièrement intéressante, puisque tout porte à croire qu’elle appartenait à Jean-Louis Tulou. Singulière dans la production du facteur, tout semble indiquer qu’elle a appartenu à Jean-Louis Tulou. Elle a en effet été conservée avec soin dans son étui d’origine, avec le sceau de Tulou et un ensemble d’archives personnelles retraçant la carrière complète du grand musicien- de son premier prix au Conservatoire à sa retraite en 1860. Outre ses qualités esthétiques suggérant qu’elle a été fabriquée pour un commanditaire particulier, cette flûte est à cinq clefs : l’un des modèles de prédilection de Tulou. Les archives inédites qui l’accompagnent apportent, quant à elles, des éclairages précieux sur la vie et l’œuvre du flûtiste, qui seront mis en vente avec la flûte et le sceau de Tulou le 9 novembre 2024.


PERSONAL ARCHIVES AND THE TULOU SEAL PRESERVED WITH A FLUTE THAT CERTAINLY BELONGED TO THE MUSICIAN

Made from an exceptional exotic wood, a material that is both rare and precious, an enigmatic Tulou flute will be presented at Vichy Enchères on 9 November 2024. It has been preciously preserved in its original case, with the Tulou seal and a set of personal archives covering the great musician’s entire career – from his first prize at the Conservatoire to his retirement. The instrument was certainly made during the period of Tulou’s association with Gautrot (from 1853), as its hallmarks and mark indicate. These remarkable and unusual materials, combined with Tulou’s preferred five-key system, suggest that this was his personal flute. It is therefore highly likely that the instrument was made between 1853 and 1859, when Tulou retired. The unpublished archives and the seal preserved with the flute are in themselves worthy of interest, since they enable us to rediscover and explore in greater depth certain aspects of the life of this major figure in the history of music.


Translation coming soon…

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