Vichy Enchères

Louis Ingigliardi, dit INGI (1915–2008), la musique en images

Le 5 juin 2025, Vichy Enchères présentera une rare collection de tirages argentiques signés Louis Ingigliardi, plus connu sous le nom d’INGI. Cette vente rassemble plusieurs dizaines de photographies, pour la plupart consacrées à des figures majeures de la musique du XXe siècle. Ces photos, soigneusement conservées et souvent inédites, témoignent d’une œuvre unique à la croisée de la musique et de la photographie. Cet événement est pour nous l’occasion de revenir sur le parcours et l’œuvre de cet artiste, qui nous permet d’approcher la sensibilité des grands musiciens, et particulièrement ceux du quatuor. Ces portraits résonnent particulièrement avec les prestigieux instruments mis en vente lors de cette même vacation, offrant un dialogue saisissant entre les interprètes et les instruments qu’ils ont sublimés.


Une double vocation : musicien et photographe

Louis Ingigliardi est né à Nice en 1915. Très tôt formé au violoncelle, il étudie au Conservatoire de Nice avant de poursuivre son apprentissage à Paris. Sa formation est interrompue par la guerre, mais il reprend ses études dès 1944 au Conservatoire Supérieur. Musicien professionnel, il évolue dans les milieux prestigieux de la scène classique française et internationale.

À partir de 1954, INGI commence à se consacrer à la photographie. Grâce à ses collaborations avec des revues spécialisées comme Le Strapontin (magazine annonçant des spectacles), il trouve un terrain d’expression relatif à la musique, qui lui permet de conjuguer ses deux passions. Son regard de musicien sera déterminant puisqu’il influencera tout au long de vie sa manière de photographier.

Une méthode singulière

INGI se distingue par son approche de la photographie fondée sur la discrétion et la complicité avec ses sujets. Il refuse les dispositifs techniques intrusifs comme le flash, préférant la lumière ambiante et les conditions naturelles. Ses séances sont rares, limitées à une douzaine de clichés, souvent réalisées dans des environnements intimes à domicile, en loges, en répétition.

Il privilégie l’échange et ses prises de vue s’inscrivent dans le temps long d’une conversation. Cette méthode lui permet d’atteindre une forme de vérité du sujet, loin du formalisme du portrait posé. La composition de l’image ne s’achève jamais au moment du déclenchement mais toujours après un recadrage, qu’il considère comme une phase essentielle, permettant une réécriture visuelle et émotionnelle du moment capté.

Le portrait du musicien : de la scène à l’intime

Le corpus présenté à Vichy Enchères illustre la richesse et la cohérence de son travail en lien avec le monde des instruments du quatuor et cristallise toute une époque. On retrouve notamment un portrait de Christian Ferras, photographié en 1957 alors qu’il joue sur son Stradivarius “le Président” de 1721. Ce tirage d’époque, saisissant de retenue et d’intensité, incarne parfaitement l’art d’INGI, attentif à l’expression et à la gestuelle.

La série dédiée à Yehudi Menuhin offre un autre exemple remarquable. Mains sur l’instrument, portrait de profil, détails des doigts – chaque image propose une variation sur le rapport entre le corps et la musique, entre technique et inspiration.

On retrouve cette même approche dans les portraits de Henryk Szeryng, Mstislav Rostropovitch, Igor Oistrakh, ou encore dans les images de chefs d’orchestre comme Charles Munch, Leonard Bernstein ou Lorin Maazel. Du côté des compositeurs, INGI photographie les figures majeures du XXe siècle, de Chostakovitch à Britten, en passant par Messiaen, Boulez, Stravinsky.

À chaque fois, il choisit des moments en marge de la scène, les photographiant chez eux, en discussion, dans une posture de réflexion ou d’écoute.

INGI sait aussi élargir son spectre sans trahir son esthétique. Les photographies de Serge Gainsbourg dans les coulisses de l’Olympia en 1958, bien que différentes dans leur sujet, prolongent la même attention au silence et à l’instant.

Une esthétique musicale appliquée à l’image

Ce qui lie toutes ces images, c’est une conception musicale de la photographie, pensée en cycles et en reprises. En effet, il construit ses portraits comme une œuvre musicale, autour d’un thème, et en en explorant les variations. Ce regard de compositeur se retrouve ainsi dans les enchaînements d’images et dans leur rythme.

Son travail sur le geste, sur la concentration et sur la posture traduit aussi une recherche du “temps musical” dans l’image qui, bien que silencieuse, est évocatrice d’un moment de musique associé à une émotion. C’est là sans doute l’originalité de sa démarche, qui ne cherche pas à illustrer la musique, mais à en capter les émotions et vibrations.

Reconnaissance et postérité

Dès la fin des années 1950, INGI expose dans des galeries et salons majeurs, notamment à Paris. Il est présent à la Galerie Taitbout en 1958, au Salon du portrait photographique à la BnF en 1961, et dans plusieurs lieux parisiens jusqu’aux années 1990. En 2021, la Cour d’appel de Versailles reconnaît juridiquement l’originalité artistique d’un de ses clichés de Menuhin, soulignant la valeur patrimoniale de son travail.

Sa pratique apparaît aujourd’hui comme un modèle et une exigence esthétique vers laquelle tendre, afin de ne pas réduire la photographie à la simple illustration.

La vente Vichy Enchères de juin 2025 est l’occasion de s’immerger dans cet univers photographique, fait de musique, de silences et de gestes suspendus. Les photographies consacrées aux figures majeures du quatuor à cordes entrent en résonance intime avec les instruments qui seront proposés aux enchères, créant ainsi un lien vivant entre l’artiste, son instrument et l’instant capté.


LOUIS INGIGLIARDI, KNOWN AS INGI (1915–2008): MUSIC IN PICTURES

On 5 June 2025, Vichy Enchères will auction a rare collection of silver prints by Louis Ingigliardi, better known as INGI. This sale brings together several dozen photographs, most of them featuring major figures of 20th-century music. These carefully preserved, and often previously unseen, photos are part of a unique body of work at the crossroads between music and photography. This sale provides us with an opportunity to revisit the career and work of this artist, who allowed us to explore the sensibilities of great musicians, particularly those playing classical string instruments. These portraits resonate particularly well with the prestigious instruments offered for sale during this same auction, creating a striking dialogue between the performers and the instruments they played.


A dual vocation: musician and photographer

Louis Ingigliardi was born in Nice in 1915. His early training was in cello performance, which he studied at the Nice Conservatoire, before continuing his studies in Paris. His studies were interrupted by the war, but resumed in 1944 at the Conservatoire Supérieur. As a professional musician, he navigated the prestigious circles of the French and international classical scene.

From 1954, INGI began to devote himself to photography. Through his collaborations with specialized magazines such as Le Strapontin (a magazine advertising performances), he found a means of expression in music, allowing him to combine his two passions. His musician’s perspective would be decisive, influencing his photography throughout his life.

A unique approach

INGI stood out for his approach to photography based on discretion and intimacy with his subjects. He rejected intrusive technical devices such as flash, preferring ambient light and natural conditions. His sessions were rare, limited to a dozen shots, often taken in intimate settings – at home, in dressing rooms or during rehearsals.

He favoured exchanges, and his shots were captured over the course of long conversations. This method allowed him to achieve a form of reality, far removed from the formalism of a posed portrait. The composition of the image never ended with the shutter release, but always after reframing, which he considered an essential phase, allowing for a visual and emotional rewriting of the captured moment.

The portrait of the musician: from stage to intimate setting

The body of work presented at Vichy Enchères illustrates the depth and coherence of his output regarding the world of classical strings, and documents an entire era. Amongst them is a portrait of Christian Ferras, photographed in 1957, playing his 1721 Stradivarius “Le Président”. This period print, striking in its restraint and intensity, perfectly embodies INGI’s art, his attention to expression and gesture.

The series dedicated to Yehudi Menuhin provides another remarkable example. Hands on the instrument, a profile portrait, details of the fingers… Each image offers a variation on the relationship between the human body and music, between technique and inspiration.

This same approach is found in the portraits of Henryk Szeryng, Mstislav Rostropovich and Igor Oistrakh, as well as in images of conductors such as Charles Munch, Leonard Bernstein and Lorin Maazel. As for composers, INGI photographed the major figures of the 20th century, including Shostakovich, Britten, Messiaen, Boulez and Stravinsky.

Each time, he chose moments on the fringes of the stage, photographing his subjects at home, in conversation, or in a reflective or listening posture.

INGI also managed to broaden his scope without betraying his artistic vision. The photographs of Serge Gainsbourg backstage at the Olympia in 1958, although different in their subject matter, share the same focus on silence and the present moment.

A musical approach applied to visual art

What unites all these images is a musical approach to photography, conceived in cycles and repetitions. Indeed, he constructed his portraits like a piece of music, around a theme, exploring its variations. This composer’s perspective is thus reflected in the sequence of images and their rhythm.

His work on gesture, concentration and posture also reflects a search for “musical time” in the image, which, although silent, is evocative of a moment of music associated with an emotion. This is undoubtedly the originality of his approach, which does not seek to illustrate music, but to capture its emotions and vibrations.

Recognition and legacy

From the late 1950s, INGI exhibited in major galleries and salons, particularly in Paris. These include the Galerie Taitbout in 1958, the Salon du portrait photographique at the BnF in 1961, and several other Parisian venues until the 1990s. In 2021, the Versailles Court of Appeal legally recognized the artistic originality of one of his photographs of Menuhin, highlighting the value of his work from a heritage point of view.

Today, his approach constitutes a model and an artistic vision to strive for, in order not to reduce photography to mere illustration.

The Vichy Enchères sale in June 2025 is an opportunity to immerse yourself in this photographic universe, made of music, silences and suspended gestures. The photographs, whose subjects are pre-eminent string instrument players, resonate intimately with the instruments that will be offered at auction, thus creating a link between the artist, his instrument and the moment captured.

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